Vietnam
8.6
Vietnam

sériePBS (2017)

Ken Burns et Lynn Novick continuent leur exploration de l'Histoire américaine et de ses points de bascule, ou plutôt de ses points de repères qui permettent d'en mesurer la complexité.
Après les massifs The Civil War (réalisé par Burns seul) et The War, les cinéastes conservent la même approche pour traiter du conflit le plus controversé dans l'histoire des États-Unis, la guerre du Vietnam.
Pendant plus de 17 heures se mêleront témoignages, archives restaurées, bande audios, rapports et voix-off. Dans les rues de Saïgon, dans les rizières, dans la jungle, dans les bases militaires, dans le politburo d'Hanoï, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche jusque dans la tête des soldats (des deux camps). Burns et Novick vont sur tous les fronts afin de livrer le récit définitif sur l'une des pages les plus sombres de la Guerre Froide.
Loin de se cantonner à l'énumération des temps forts du conflit, le documentaire arbore une forme mouvante, tentaculaire, hantée par les échos et réminiscences entre les nations ennemies. Peu à peu, les adversaires se confondent jusqu'à devenir des frères unis malgré eux dans l'engrenage tragique de la lutte. Cela commence par une demande d'indépendance refusée par la France, une neutralité des États-Unis, pour dégénérer de plus en plus gravement à mesure que les Empires d'antan s'accrochent à des colonies qui leur échappent, et qu'une hystérie anti-communiste pervertit le public américain (et occidental). Une perversion qui va dénaturer les sens de liberté et justice jusqu'à ce que le conflit lui-même n'en trouve plus aucun.
Une fois la contextualisation posée en première partie, Vietnam revient à une structure chronologique plus classique, plus pédagogique. Année par année, le film place ses différents protagonistes à différents moments clés de la guerre, juxtaposant la guerre civile déchirant le Vietnam à celui d'une Amérique agitée par les conflits sociaux et empêtrée dans ses mensonges. En parallèle, Burns et Novick rendent compte de la couverture médiatique inédite déployée à cette période. Une décision supposée raviver l'image glorieuses des libérateurs de la dernière guerre mondiale, qui va progressivement révéler l'horreur des batailles, des exactions commises, et l'illégitimité du conflit même. À un niveau politique, le Vietnam fut le centre névralgique de toutes les dérives empoisonnant un pays rongé par la rancœur, les espoirs déçus et les politiques extérieures inhumaines.
Colossal, sûrement le mot reflétant le mieux Vietnam (comme ce fut le cas pour The Civil War et The War). À aucun moment, le documentaire ne caricature les récits précieux de ses intervenants. Certains se contrediront, d'autres se conforteront, mais aucun n'occultera la triste réalité d'un gâchis monumental de vies, de temps et d'investissement, troquant la diplomatie pour la boucherie.
Le film n'oublie pas également de faire passer les diverses transformations opérées durant ces dures années par les marqueurs temporels tels que la musique, la contre-culture (la bande originale est impressionnante) et les films consacrés au même sujet. L'œuvre semble englober toutes les références cinématographiques qui ont traité du Vietnam (Full Metal Jacket, Platoon, Outrages).
Il est également intéressant de noter les apparitions de certaines figures appelées à devenir importantes dans le paysage politique des années 2000, notamment durant le conflit en Irak, souvent comparé à un Vietnam bis : John Kerry, John McCain, George W. Bush.
Si le travail monstrueux des documentaristes est également brillant, c'est également lié à ces échanges avec les vétérans nord et sud Vietnamiens, parfois poignants tant leurs expériences transpirent d'un sentiment d'incompréhension et de douleur face à une situation qui les a tous dépassés.
Je suis un chouïa déçu que le documentaire ne développe pas d'avantage les relations entre le Vietnam nord et la Chine ou l'URSS. C'est dommage puisque la situation fut également plus nuancée qu'on pourrait le penser (une chose mise en lumière par le formidable documentaire Fog of War sur la secrétaire à la défense Robert McNamara). Une petite faille, la chose étant évoquée à plusieurs reprises.
Dans sa dernière partie, Vietnam achève de broyer le cœur en dévoilant le retour des ex-soldats américains au Vietnam, plusieurs années (voire décennies) après la fin du conflit. Il y a quelque chose d'émouvant à voir des vétérans hier ennemis lutter aujourd'hui ensemble pour trouver la paix intérieure, et rebâtir ce qui fut détruit. Pas tant la nécessité de tourner la page que celle d'en écrire une nouvelle. Une belle, cette fois-ci.

ConFuCkamuS
8
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le 26 mars 2020

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7 j'aime

ConFuCkamuS

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