Tiens, finalement, ce sur quoi on peut tous être d'accord à la fin de "Your Honor", de Peter Moffat (déjà responsable de la réussite de "The Night Of"), c'est qu'on est ici dans la droite ligne des séries TV - désormais dites classiques - de la renaissance du genre il y a une petite vingtaine d'années : du vrai travail de professionnel, qui n'oublie pas les leçons du Cinéma et, surtout, ne les sacrifie pas pour faire de l'audience à la télévision ou sur les plateformes. Et ça, c'est déjà énorme.
Dans la lignée directe de "Breaking Bad" - et ce n'est pas seulement à cause de Bryan Cranston - puisque le parcours du juge Michael Desiato, d'honnête homme à crapule immorale capable de tout, pour sauver sa famille (son fils, ici...) n'est pas si éloigné de celui de Walter White - "Your Honor" est un drame humain mêlé de thriller stressant, conjuguant donc parfaitement la satisfaction simple offerte par un "bon polar" avec le plaisir de partager les tourments de personnages ambigus, voire complexes, dont on ne sait jamais si on doit les haïr, les mépriser ou les aimer. Ou les trois à la fois...
S'ouvrant sur un premier épisode émotionnellement éprouvant - malheureusement insurpassable et insurpassé - "Your Honor" ne nous perd jamais, même si l'on objectera parfois sur certains choix du scénario, et débouche sur une conclusion noire et finalement audacieuse (d'ailleurs mal aimée par les téléspectateurs qui auraient préféré un happy end, sans doute...). Et si cette mini-série est une aussi jolie réussite, c'est parce qu'elle sait inscrire son histoire de juge affrontant un caïd local de la pègre pour protéger son fils coupable d'un "hit & run" dans un riche contexte politique et social : loin des décors trop convenus de New York ou Los Angeles, c'est à la Nouvelle Orléans que "Your Honor" nous entraîne, dans un enfer de pauvreté, de corruption, de haine raciale qui offre un cadre étonnant à l'intrigue. Ne serait-ce que pour ça, et même si "Your Honor" n'est pas la série du siècle, et également grâce à un casting irréprochable (le toujours formidable Michael Stuhlbarg y trouve sans doute son meilleur rôle à date...), il ne faut pas se priver de ce plaisir.
PS : Félicitations aussi aux scénaristes pour avoir été les premiers (à notre connaissance) à inscrire la pandémie actuelle dans leur scénario...
[Critique écrite en 2021]