A l’écoute de Adios Betty, on a la sensation que Porcelain a préparé sa mutation depuis toujours. Depuis ses débuts surdoués qui remettaient déjà en question le post rock (alors que le genre était pourtant à son firmament), en passant par la bâtardise pop/prog assumée, nocturne et envoûtante de Me and my famous lover, Porcelain a toujours joué en marge des codes, des étiquettes. Ce qui marquait aussi dans ces deux premiers albums, c’était le soin apporté aux atours: le sleeve, les arrangements, la production, tout concordait à rendre l’écoute inoubliable, marquée d’un sceau « ambient » bien particulier. Ce que l’on retenait de Porcelain était donc un son (crachant, pluvieux, voire sale pour le premier, lumineux, propre et froid pour le second) assorti d’une image (la détresse pour le premier, une mélancolie bienfaisante pour le second). Rien d’étonnant pour une musique avant tout cinémascope (l’élément vocal étant relégué au second plan).
Avec Adios Betty, les Français marquent un nouveau pas dans leur changement de peau. Une forme de raideur rythmique jouissive présente sur Me and my famous lover laissait bien présager un avenir plus nerveux, mais en toute franchise, il semblait bien improbable que Porcelain deviendrait ce qu’il est aujourd’hui : à savoir un groupe de pop rugueuse, lyrique et surtout enflammé. La voix de François Barriet, déjà plus en avant sur le précédent opus, prend ici un rôle primordial et se pose avec force et conviction sur une base basse-batterie totalement enivrante, qui joue clairement les premiers rôles (aux côtés des claviers, dansants et/ou psychédéliques). Rigide, épileptique, immuable, elle est la pierre d’angle d’Adios Betty. La symbiose totale qui règne entre les deux est d’ailleurs totalement fascinante. La guitare, elle, pourtant symbole pop par excellence, est ici volontairement « négligée » du mix. Une autre manière pour Porcelain de se marginaliser, de faire sa propre soupe dans un cadre pourtant bien balisé du couplet-refrain. Ainsi, la texture de la six cordes, sale, franche, est à la fois en retrait et indispensable à la couleur d’un disque finalement et finement tiraillé entre aspirations lyriques, noisy et presque new wave. Et une nouvelle fois, le sleeve choisi fait mouche: à la fois rétro, pop et bordélique, elle soutient à merveille le propos des musiciens.
La fougue (parfois proche d’une certaine forme de sauvagerie), la sincérité qui se dégagent de l’ensemble (superbement mixé et produit), sont réellement contagieuses. Parce que, plus que jamais, le quatuor français s’est mis en tête de construire des chansons qui vivent par elles-mêmes et pas forcément dans un ensemble, ce qui pouvait être la seule (petite) faiblesse de leurs essais précédents. Le résultat est tout simplement spectaculaire. Car le pari artistique (changement radical d’identité) est tenu, et qu’en plus les chansons laissent une grande part au plaisir direct. En cette fin d’été 2009, il ne fait aucun doute qu’Adios Betty fait partie des meilleures surprises de l’année.