A chaque nouvelle écoute, un sentiment obscur, profond se dégage de ce dernier - dernier... - album de Bowie. Ce sentiment si douloureusement ancré c'est sa mort annoncée, et pourtant inimaginable, sa mort murmurée, soulignée d'un impitoyable écho, c'est le souffle glaçant des saxophones, le battement entêtant d'une rythmique méthodique ; rien n'est laissé au hasard dans cette résurrection fantomatique de celui dont on venait depuis un moment à presque regretter l'immortalité.
L'album traverse mes nuits, les petits matins, l'obscurité de cette étoile mourante se reflète dans l'ombre des montagnes, dans ces serpents nuageux qui se coulent sur leurs flancs luxuriants, dans les remous d'un fleuve boueux, dans les décors d'Aguirre et la colère de Dieu encore brumeux, l'étoile noire et la croix du Sud comme cieux de plus en plus sombres au-dessus de moi. L'album traverse mes jours de plus en plus sombre, de plus en plus beau.
La mort à venir comme dernier horizon, comme un coup final à la sculpture d'une vie dédiée. Après une crise cardiaque, des album plus que décevant, il n'y avait plus que l'extrême proximité de la fin pour rendre à Bowie sa grandeur éternelle.
Le soupçon de sa mort, lointaine et floue d'abord, comme une rumeur si loin du monde, l'écoute régulière de l'album à la recherche d'un signe, du fond d'un cañon à l'annonce de sa confirmation ont gravés pour toujours ces chansons dans mes plus sombres pensées, auprès de L'imprudence, de La taille de mon âme.
I loved this lad insane.