Cet album a été dans les années 70 une de mes incursions dans le domaine du free jazz.
Alors que je finissais toujours par m'en accommoder à peu près chez John Coltrane ou Miles Davis, la tentative avec Archie Shepp, grand contributeur du free jazz fut malaisée. J'avais envie d'en tâter mais étais souvent rebuté par le manque de structure, par cette trop grande liberté laissée aux musiciens, justement.
Et pourtant, j'avais mis un atout dans ma manche en choisissant cet album avec la présence du batteur Philly Joe Jones … Ce dernier fut, en effet, un des solides piliers du premier quintette de Miles Davis avec John Coltrane.
L'album est enregistré en live à Paris fin 1969 et l'album est sorti en 1970. Il comporte deux très longs morceaux d'environ 20 minutes.
Comme écrit sur la pochette, "The lowlands" (face A) est "un portrait musical de la vie dans les ghettos noirs" selon Chicago Beau (saxo soprano, harmonica) ; il en est aussi le chanteur … Enfin, chanteur, si on veut, car on entend plutôt des hurlements confirmés par les paroles.
"The Lowlands
A place
Made up of
Screams, shouts
Music Life"
Je comprends bien que le propos n'incite pas à la chansonnette mais plutôt à la colère, certes, mais là, les oreilles en prennent un peu trop. Bien sûr, le batteur reste sur un rivage bien classique, bien sûr Archie Shepp dans son long solo de saxo connait des moments presque émouvants mais tout cela reste entrecoupé de (trop) longs délires …
En ce qui concerne la face B, "Howling in the silence", est en deux parties "Raynes or Thunders" suivi par la "Julio"s song". Là, il s'agit non pas de l'évocation d'un ghetto noir mais plutôt d'une complainte d'amour exprimant les difficultés à se faire comprendre de la femme qu'on aime. Surtout qu'ici, si j'ai bien compris, la femme aimée s'appellerait "Raynes" (Renée ?) ou Thunder (tonnerre, tout un programme) …
Julio Finn s'appuie en particulier sur le poème d'un "south-side man" Augustus Arnold.
The woman I love, loves another man
That other man – perhaps he's me, hiding
The things I love - are avoiding me …
Avant de terminer par
What I would like to say, cannot be said
C'est sûr que vues comme ça, les choses de l'amour ne sont pas simples … Et la musique s'en ressent un brin. Encore une fois, après une première partie qui finit en délire grâce à Anthony Braxton (je pense que c'est lui parce que je crois le reconnaitre) qui pousse son saxo dans ses derniers retranchements avec son souffle à la place d'un son musical, Philly Joe Jones reprend tout en main dans un magnifique solo de batterie pour rendre la main à Archie Shepp qui entreprend une longue marche solitaire au saxo ténor de manière classique dans un premier temps avant de s'énerver et de sombrer dans des abimes insondables.
Notons qu'Archie Shepp délaisse son saxo régulièrement pour le piano. C'est d'ailleurs comme ça que le morceau débute. Mais le morceau a beau se terminer en douceur par une obsédante petite ritournelle violon/harmonica, il résulte de tout ça une impression globale pénible. Moi, dans ces cas-là, je crois que je reste célibataire (courageux, mais pas téméraire).
Dans ces conditions, la note est difficile à déterminer car tout n'est pas à rejeter, loin de là, il y a même des passages qui font sens. Mais il y a trop de moments bien caractéristiques du free jazz où j'ai du mal à me retrouver. Je vais trancher à 5 …