Rien, c'est tout !

chronique écrite en 2003...

Tout. Ce groupe a tout. Tout pour marquer les esprits, tout pour donner envie de se gargariser d'une série d'adjectifs : ambitieux, visionnaire, barré, créatif, original, impertinent, ludique, érudit... j'en passe et des meilleurs. Rien fait figure d'OVNI. Le nom de ce premier album avait donné le ton et l' écoute du morceau-titre ne nous décevra pas : 22' d'une oeuvre en soi commençant par un long accord plaqué d'orgue (hommage à Bach, sans doute) et se poursuivant par une série de tableaux impressionnistes. On se laisse délicatement bercé par cette longue montée avant d'être secoué par des guitares tranchantes. Car l'essence même de Rien réside là : toutes les émotions possibles au sein d'une même et grande oeuvre. On le comprendra rapidement : Rien n'est donc pas un groupe "amnesiac". Ou plutôt si. Les fans de Radiohead me comprendront. On pourra juger l'exercice trop cérébral mais c'est mal connaître nos trois grenoblois (dont le guitariste de Melk, soit dit en passant). Deux penchants naturels sauvent cet album de la pédanterie : une auto-dérision débridée soutenue par un amour de la sous-culture (The Dallas session sample ...les frasques de la famille Ewing !). Et surtout, Rien n'oublie jamais que même les idées intellectuellement les plus bluffantes doivent se doubler d'un intérêt mélodique. Pour preuve, le seul morceau chanté, stare mesto, finit de rendre cet album magique : un phrasé à la Rodolphe Burger racontant un rêve tout droit sorti d'un film d'Antonioni sur un lit de guitares et ça y est le tour est joué. On défaille définitivement, ému profondément. A l'image de l'objet-disque, magnifique, avec ses notes internes alliant finesse et humour, "Requiem pour un baroqueux" devient la parfait exemple d'un art contemporain populaire. Rien c'est Tout et ce n'est pas là le seul paradoxe d'un groupe génial.