Voilà le retour d’un Américain bien tranquille qui, avec une régularité métronomique, sort un album tous les deux ans. Le bonhomme, c’est bien sûr Damien Jurado et Saint Bartlett est son dixième album. Cela s’apparente à une œuvre avec des moments plus introspectifs, des moments plus ouverts. Sur l’échelle de Jurado, Saint Bartlett se situe à la moitié du gris and now that I’m in your shadow et du plus énergique Caught in the trees. Avec cet album, Jurado trouve un point d’équilibre ; il n’atteint pas ses limites mais sa perfection. Le chanteur a le talent discret : chaque chanson ne paye pas de mine et l’écoute du disque s’enclenche sous de bienveillantes auspices certes mais avec un enthousiasme mesuré. Mais le songwriter est arrivé à une précision d’écriture telle qu’au final, chaque morceau dessine un album homogène mais toujours changeant. Jurado qui trouve chaque fois le petit truc qui rend chaque morceau au pire profondément attachant, au mieux carrément bouleversant. Dès Cloudy shoes, douce ballade enrobée de claviers moelleux, le charme s’opère. La voix de l’Américaine est à l’image de sa musique : brillante, touchante sans aucun effet ostentatoire.


Jurado peut devenir un crooner en paillettes sur Arkansas ou redevenir ce folkeux décharné des débuts sur le hanté with lightning in your hands ou sur Pear qui en fait l’égal (et même au delà ?) de Devendra Banhart, à chaque fois, il se révèle un chanteur exceptionnel, transportant dans ce timbre particulier des trésors d’émotion. Jurado a l’idée simple et juste qui change un morceau en perles : Wallingford ose des guitares électriques sourdes adoucis de chœurs pop pour un résultat qui bouleverse les sens. Rachel & Cali fait teinter les guitares folk pour un supplément de magie. Sur Kansas City, tout semble à peine effleurer : des mains sur des cordes, des doigts sur un piano, des chœurs à peine murmurés et dans ce paysage ébauché, sa voix fait une nouvelle fois des merveilles. On n’arrivera pas à tout expliquer : pourquoi tant d’émotion, tant de beauté. A moins de vouloir décortiquer précisément tous les rouages précis de cette mécanique sincère, de ses arrangements parfaits dans leur genre, de cette prise de son qui crée un vrai espace. Une tentation vite abandonnée, on n’ira pas jusque là. On gardera précieusement ce sentiment que Saint Bartlett est un album miraculeux.

denizor
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs albums des années 2010 et Les meilleurs albums de 2010

Créée

le 18 août 2015

Critique lue 116 fois

1 j'aime

denizor

Écrit par

Critique lue 116 fois

1

D'autres avis sur Saint Bartlett / Our Turn to Shine

Saint Bartlett / Our Turn to Shine
dylanesque
8

Critique de Saint Bartlett / Our Turn to Shine par dylanesque

Avec l'aide du magicien Richard Swift, l'humble bucheron de Seattle habille ce neuvième album d'une production cotonneuse. Chœurs, cuivres, écho et fuzz fabriquent un mur du son jamais tape-à-l'œil...

le 27 déc. 2016

Du même critique

Oiseaux-Tempête
denizor
8

Critique de Oiseaux-Tempête par denizor

Le monde appartient aux ambitieux et Oiseaux-Tempête ne nous propose pas un simple voyage post-rock mais une véritable Odyssée dans une musique qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Album après...

le 10 janv. 2014

13 j'aime

Pain Is Beauty
denizor
8

Critique de Pain Is Beauty par denizor

Il est amusant de voir la promo de Chelsea Wolfe ramer pour définir la musique de la demoiselle : « drone-metal-art-folk » tel est le genre-valise utilisé pour catégoriser la musique de l’Américaine...

le 28 oct. 2013

12 j'aime

After My Death
denizor
7

Psyché adolescente et autopsie d'une société

Samaria ou Poetry, le cinéma sud-coréen est hanté par les suicidées adolescentes. Nouvelle pierre à cet édifice mortifère, voici After my death, premier film de Kim Ui-Seok. Glaçant. Kyung-min, une...

le 19 nov. 2018

11 j'aime