Estomaquant dans le sillage du tonitruant Stupeflip, Vite !!!, certainement le titre de la consécration, The Hypnoflip Invasion résonne tel un souvenir impérissable à mes oreilles : car là où l’album éponyme marquait d’abord au fer blanc les aficionados de la première heure, « mon » entrée dans la vaste et tarabiscotée scène du Crou ne date que de l’an passé, à l’aune de ce fameux troisième recueil de pistes dantesques.
Si l’on extrapole, je pense sincèrement que Stupeflip s’inscrit dans un registre « personnel » des plus intenses, l’addiction à son univers déjanté comme fin exigeant un degré d’implication conséquent : non pas qu’il faille alors exclure les auditeurs occasionnels, loin s’en faut, au risque d’ailleurs de donner raison au judicieux Hater’s Killah, mais le fait est que l’écoute complète de l’inclassable groupe (recul compris) tient pour moi du coup de foudre unilatéral.
Quitte à m’épancher un peu sur les raisons d’une telle idylle (si tant est que cela requiert un quelconque éclaircissement), rien ne vaut de raconter une bribe importante de mon existence : car à l’occasion de mon vingt-quatrième été, le fait de devoir ramasser à la petite cuillère mon organe d’amour était un gage de bouleversement inextricable. Du moins était-ce la première impression, « life goes on » comme aiment à le répéter les adeptes du relativisme (dont je pense faire partie, hors situations d’exception), et il fallait bien rebondir : mais là où Blue Mountain State s’était déjà posé comme le Graal réconfortant dont j’avais besoin (à l’occasion de mon vingtième été, je commence à me méfier du mois de Juillet), la peine en vigueur quémandait du neuf, et pas n’importe quel neuf.
Bref, The Hypnoflip Invasion est intervenu au meilleur des moments, balisant d’une manière hautement informelle une période à la noirceur fluctuante, l’esprit s’accrochant alors de toute ses forces à bien des ancres, toutes plus friables les unes que les autres : mais il en fut autrement pour ce cru entêtant, la signature tant atypique de Stupeflip ferrant l’esprit avec une maestria démoniaque, au point d’ouvrir un champ d’horizons (musicaux) imprédictibles.
Mais si cet album s’apparente, à juste titre, à une porte d’entrée fort accessible, cela n’en fait pas une œuvre au potentiel original moindre que ses prédécesseurs : reprenant sans surprise là où Stup Religion s’achevait à demi-mots, The Hypnoflip Invasion invoque en tous points l’imagerie du Crou tel le fidèle obéissant aux dogmes de son culte, à ceci près que la signature formelle des titres s’ensuivant démontre d’un renouvellement immanquable.
Troquant notamment l’usage de la guitare électrique au profit d’une empreinte davantage pop, Stupeflip outrepasse le stade survolté qu’était auparavant le sien, mais sans se départager de sa douce folie : ne se parjurant d’aucune sorte, The Hypnoflip Invasion s’avère ainsi être, une fois la discographie complète du groupe parcourue en long et en large, l’album le plus abouti, celui de la maturation indubitable, magnifiée d’une inventivité et d’une profondeur encore et toujours érigée en maître d’ordre de ce joyeux bazar. L’homogénéité de ses interludes, marquées du fer radiophonique, illustre en ce sens une maîtrise aux antipodes du carcan redondant, le background déjà riche de complexité du groupe y trouvant un écho très créatif, tandis que bien des pistes révèlent un enchevêtrement de thématiques fortes, au regard d’une figure paternelle bancale prenant de plus en plus de place au gré des albums.
Bref, il y aurait encore tant à dire, mais je risque de me répéter, à ceci près que The Hypnoflip Invasion ne prévaut pas au seul motif d’un Stupeflip, Vite !!! iconique, tant le délice audio(visuel) s’ensuivant tient de l’enchantement : une œuvre unique en son genre, mémorable et frisant la perfection donc, de quoi faire honneur aux fondations solides qu’avaient déjà bâti Stupeflip et Stup Religion, et (par voie de conséquence) l’avènement irréfutable des plus brillants artistes français.
Ironie jouissive de l’histoire : je ne vous cache pas quel fut mon choix de compagnon de route, alors que je voguais tout sourire vers ma comparse de cœur (tel le Phénix renaissant de ses cendres) au cours d’un automne déclinant.
Car si Stupeflip fut d’une aide incontestable dans les moments difficiles, son écoute est tout aussi indiquée dans les bons.
Merci Ju', merci à tous.