Absolution
7
Absolution

Album de Muse (2003)

Je pourrais parler de cet album pendant des heures. Il dégage un sentiment tellement fort et profond chez moi, et me prend irrésistiblement aux tripes à chaque écoute. Absolution est réputé pour être l'album le plus sombre de Muse, rien que ça. Et quelle réputation méritée. Un véritable imbroglio de lyrisme teintée de mélancholie frisant le désespoir à chaque note. La quintessence de Muse. Du moins, c'est mon opinion ! Honnêtement, l'instrumental de certains morceaux pourrait se suffire à elle même tant elle exprime bien les sentiments de son compositeur. Et finalement, n'est-ce pas ce que l'on attend de la musique ?


Déjà cette intro parlons-en. Ce bruit de bottes. Cette marche militaire. Simple et efficace, inarrêtable. On ne sait pas vers quoi on va, mais on sait qu'on n'est pas là pour rigoler. Elle vous glace à moitié le sang, mais pour moi c'est le glas précédant une heure d'un pied infini.


A peine a t'on eu le temps d'entendre glapir la voix d'un dictateur quelconque (on sait tous qui c'est) que le piano nous prend à la gorge. Ce n'est pas fluide, ce n'est pas doux, c'est tranchant, on est sur un tocsin. Le tocsin de l'apocalypse. "Declare this an emergency", nous dit Matt, et l'urgence n'a jamais été aussi pressante. Puis la pression relâche, se radoucie. Mais la tension est toujours là, le piano veille au grain. "This is the end of the world" ça on l'avait bien senti, mais rien de violent, juste un sentiment de fatalité, d'incapacité à agir face à cette situation. En nous prenant en tenaille entre un piano et des percussions oppressantes puis une mélodie lyrique lancinante soutenue par une basse qui passerait presque inaperçue au milieu de ce déferlement d'émotions, le groupe parvient à atteindre des sommets de suspense sans pour autant sortir l'artillerie lourde. Apocalypse Please est une musique de fin du monde, que l'on ne s'y trompe pas.


Après que Matt ait lâché ses meilleurs accords sur l'outro précédent, une basse émerge des dernières notes. Elle est lourde, saturée, poisseuse. Elle colle tellement que même la batterie peine à faire émerger son rythme, et n'y arriverait pas sans le timbre fluet qui entame la chanson. "I think I'm drowning, asphixiated", au milieu de cette poisse, rien d'étonnant. Puis tout s'éclaire sur le pré-refrain, car après tout "I won't let you bury it", donc l'espoir renaît. Mais il reste faible. Ce n'est qu'une maigre consolation. Un cri du coeur, "you can't stop it screaming out", car notre temps s'enfuit. Et c'est sur ce constat que la guitare nous électrise d'un riff frotté bien strident. C'est quand ça fait mal que ça fait du bien. Et le rythme ne retombe pas. On est sorti du bourbier, l'espoir est naît, il faut qu'il vive. La colère gronde. Les toms s'enchaînent sur le deuxième refrain. C'est le moment de tout laisser sortir. On souffle, puis on reprend. Et on oublie pas de prendre soin de la guitare sur les dix dernières secondes.


De cette bataille émerge une mélopée douce au piano. Mais on ressent vite sa distance, sa froideur. La distorsion colle aux paroles crève-cœurs, car après tout, on est là pour se faire absoudre. Peut-être car il n'y aura pas d'autres chances de le faire plus tard ? Probable. Le refrain laisse la place encore une fois à une explosion - modeste - de Matt, et on retourne dans les remous inextricables de l'instrumental. Vous devrez aller jusqu'au bout, "There's nowhere left to hide". Mais après le deuxième couplet, la peine implose, la guitare grasse tire tout ce qu'elle a gardé en réserve depuis le début de la chanson, et semble surgir d'outre tombe par delà la brume avant de nous livrer un solo déchirant sur la reprise du refrain. Et là Matt s'échauffe, il monte enfin dans ses tonalités basiques. Pourquoi ? Pour nous dire que nos fautes ne seront pas pardonnés et que nos âmes ne trouveront jamais la paix. Dans mon top 10 des meilleures chansons de Muse, mais je préfère la version acoustique disponible sur le single de Butterflies and Hurricanes. Les deux sont très bonnes, mais celle-là m'embarque au bout de 3 notes.


On n'a plus le temps de se reposer, ce qui reste de la guitare nous embarque dans une danse infernale, et la batterie, loin de nous sauver, lui emboîte le pas. Mais c'est quand la basse s'en mêle que l'on comprend que l'on va déguster. Matt donne le feu vert, et la batterie s'envole. On entend Dom bosser le cardio jusqu'ici. La colère n'est pas là. Non, c'est encore trop doux, elle grossit. Et soudain, "No one will recall", et quelque chose se réveille. Mais c'est primal, c'est brut, et ça laisse subitement la place à un ensemble plus clair. La lumière traverse les ténèbres pourtant impénétrables. Pourquoi ? Car c'est la dernière fois que je t'abandonne et que je t'oublie. Mais ce n'était qu'un mensonge, et tout s'écroule à nouveau. La guitare torturée explose. On est reparti pour un deuxième round. Et ça ne s'arrête pas. Stockholm Syndrome c'est un combat permanent entre l'amour et la folie. Titre bien choisi donc. Dommage pour cette chanson, je lui préfère Hysteria (oups :x). Saluons tout de même un outro générateur de headbangs.


Toute cette folie furieuse fait place à un rythme feutré, ouvrant la voie à une guitare délicate qui vient se poser là comme une plume. Voilà notre ballade. Pourtant, elle reste très mélancolique. Car après tout, Falling Away with You, ce n'est qu'une promesse de tomber en même tant que toi. Plus ambiguë qu'elle n'y parait au premier abord, la chanson offre un moment de (presque) paix intérieure. Si je ne devais retenir qu'une chose, se serait les tappings interstellaires de la guitare électrique sur le refrain, sortes de prémices à l'album suivant. La chanson se finit sur des débuts de saturation, comme si le message commençait à connaître des difficultés dans son émission. Puis c'est la coupure totale.


La saturation s'allonge, et la guitare vient poser une ambiance stratosphérique de calme avant la tempête, qui s'étire jusqu'à ses ultimes soubresauts. Le monde s'est écroulé, mais que nous réserve donc la suite ? Prise à part du reste, l'interlude ne représente rien. Et pourtant elle relie deux morceaux, les rendant pratiquement indissociables. Je n'écoute quasiment plus l'un sans l'autre, sinon ça perd de sa saveur.


La basse vient trancher cette indécision. Sourde, elle entame un rythme entêtant, hypnotique, que la batterie vient appuyer pendant que la guitare monte doucement mais sûrement au créneau. Break, et ça pète. La guitare prend subitement tout l'espace, on sent une lourdeur, et pourtant ça file. Mais le son est plaintif. Matt nous éclairci, car il est visiblement dérangé à un point inimaginable "twisting me around", "turning inside out". Je vous laisse vous faire votre propre traduction, dans tous les cas ça fait pas du bien. Et on le comprend, il exorcise sa souffrance. Qu'est-ce qui pourrait le soulager ? Rien de plus simple, "I want it now", juste "give me your heart and your soul". On comprend alors que le pauvre homme n'a plus toute sa tête, ou ne l'a jamais eu. Plus rien n'a d'importance à part lui, il veut combler ce besoin qui l'obsède. La guitare nous harcèle en arrière plan du deuxième couplet, comme voulant nous soutirer ce que l'on ne pourrait donner pour retrouver un semblant de lucidité. Le refrain retenti une nouvelle fois, et la frustration explose. C'est un déchaînement bref mais intense, auquel vient suivre un solo de guitare qui dissimule mal son agressivité, oscillant entre douleur au début et supplique sur la fin. Un vrai comportement bipolaire. Puis le refrain reprend, et les illusions tombent en même temps, "I want YOU now". Car je ne peux pas y arriver sans toi, "I feel my heart implode". Et c'est sur ces entrefaits que la chanson se parachève sur une fin détonante, du vrai bon gros craquage nerveux. Véritable incontournable de Muse, Hysteria demeure une chanson relativement accessible, mais les paroles réservent quelques subtilités de langage intéressantes à éplucher. Je vous laisse le plaisir ;)


Le violon nous accueille dans ce blackout, bientôt suivi par une mandoline, on se croirait presque à Venise. Enfin du calme. Maintenant qu'il n'y a plus rien, on peut bien respirer un peu non ? La saturation au milieu accentue le trait des paroles, un brin pessimiste, mais gâche un peu l'expérience auditive (ça peu surprendre la première fois).


Vous êtes reposés ? Bien. Parce qu'on attaque du gros. Du papillon même. Rigolez pas, ils viennent avec des cyclones. Bien mal appris celui qui ne se méfierait pas de l'effet papillon. Et cette chanson est taillée pour cela. Une intro douce toute en apesanteur, qui monte graduellement mais sûrement, pour finir par s'enflammer après plus d'une minute. "Your hard times are ahead", il est temps de briller alors. Un hymne à la prise de confiance en soi et à la lutte face à l'adversité. Butterflies and hurricanes est un chef d'oeuvre, dans la lignée directe des magnifiques pièces de piano que Matt a pu nous offrir sur Origin of Symmetry. Mais je ne vais pas tout détailler ce serait trop long. Une fois familier avec la chanson, je vous conseille encore une fois d'aller écouter le single, il contient une version alternative avec des guitares additionnelles, c'est pépite.


On enchaîne sur un son bien rock, énervé juste ce qu'il faut. Un bon titre, mais un peu perdu après tout ça. Une autre bouée à la mer décadente, avec des variations à la guitare assez intéressantes, mais assez plat pour se noyer au milieu de toute cette débauche de titres grandiloquents. Mais pris à part, ça fait le café, ça rock bien fort. Et surtout, ça prépare le terrain pour la suite.


Fury. On pourrait s'attendre à une entrée tonitruante mais non. La guitare geint, et la basse lui entame le plat sur un ton très sombre. C'est une furie certes, mais bien bien froide. La pire de toute. Absente de la version européenne de l'album, cette chanson est pourtant un pilier de l'album. Son refrain m'entraîne à chaque fois, cette basse qui mène la danse fait tout le charme. Puis le refrain lâche l'affaire et la basse part en roue libre. Du stoner rock, on y est. "We'll pray that there's no God to punish us", besoin d'en dire plus ? Deuxième roue libre de la basse, et ce coup-là rien ne semble pouvoir l'arrêter. Et pourtant elle s'arrête, et bien trop tôt, on en aurait bien pris deux minutes de solo. La guitare recommence sa réverbération comme pour exprimer elle aussi sa déception. Puis le dernier refrain s'entame, avec des chœurs fantomatiques donnant un corps juste parfait à l'ensemble. Vous vouliez de la basse ? La revoilà, profitez bien, c'est la fin.


Juste le temps de poser un rythme sautillant aux percussions et le synthé surgit de nulle part, bientôt rejoint par un piano lancinant. Endlessly possède une atmosphère si particulière qu'elle en devient indescriptible (l'heure avancée de la nuit ne m'aide pas non plus). Semblant de prime abord dépouillée, son instrumental se révèle savamment dosée, juste assez pour nous surprendre quand le premier coup de grosse caisse résonne. Mais progressivement, elle se complexifie. La basse débarque au deuxième couplet, et consolide la machine déjà bien lancée. Puis c'est la batterie qui marque un coup d'éclat sur le deuxième refrain, marquant plus profondément le rythme. C'est alors que tout fait place au synthé pour réaliser un pont littéralement planant. Puis l'instru repart au feu vert de la caisse claire, pour nous offrir un final mystique, toujours baigné par ce synthé tout droit sorti d'un film de John Carpenter. Ce titre pourrait presque passer pour un ovni, mais au final avec le recul, Muse est déjà un ovni à lui tout seul.


La guitare nous sort subitement de la torpeur (non c'est pas vrai je ne dormais pas), le rythme est vif, il faut faire vite, on a pas beaucoup de temps. Et pour cause, ce sont les pensées d'un athée mourant. Réjouissant. Et la chanson joue bien là dessus, car nous sommes littéralement sur le titre à l'ambiance la plus joyeuse de tout l'album. Par contre ne lisez pas les paroles. Globalement ça trace, c'est propre, c'est beau. Mention spéciale au petit solo, que the small print n'avait pas pris le temps de poser aussi proprement. Comme quoi, on peut se presser et faire bien.


Le dernier titre, la pierre angulaire. Le piano entame sa douce entrée, et nous livre une mélodie bien mystérieuse, qui irait d'ailleurs bien en B.O de X-files. Ruled by Secrecy, on ne peut pas faire meilleur titre pour cette chanson. Et vous serez maintenu dans le flou ainsi un bon moment. Même la batterie vous fera un faux espoir en rentrant en scène, cette traîtresse. Rajoutant une tension, elle tire progressivement l'instru vers un point plus haut, mais jusqu'où ? Soudain, la réponse tombe. Brutale. Rappelant le piano de Apocalypse Please. Mais ce piano n'est pas annonciateur de la fin des temps. Non, il est beaucoup plus mélodramatique. Il vient chercher au fond de vous. Il vous assène. Mais il vous assène quoi au juste ? Seul vous le savez. Ce piano va probablement hanter ma nuit maintenant (youpi). Puis après cet ascenseur émotionnel, il diminue progressivement, s'étiole, puis finit par s'éteindre. C'est la fin.


Vous pouvez maintenant réécouter l'album une deuxième fois :)


Merci à toi qui à lu cette critique jusqu'au bout, elle a était inutilement longue, mais maintenant je me sens mieux. Muse a sorti il y a quelques mois une édition spéciale pour les 20 ans de l'album, cette édition mérite vraiment le coup d'œil, ne serait-ce que pour redécouvrir les titres iconiques de cet album. Prions pour une reprise symphonique pour les 30 ans !

Willmat
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Créée

le 12 mars 2024

Critique lue 12 fois

Willmat

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