Je croyais que Booba avait pris sa retraite, mais son génie, d'une excitabilité esthétique forte, se trouve dans sa détermination extrême qui nous est surabondamment indiquée par le soin qu'il prend de la retarder et de nous prévenir. Ad vitam æternam a la beauté d'une apparition dans ce fleuve majestueux, calme et profond, serpentant à travers les paysages riches et variés, jusqu'à l'océan insondable de la Poésie.


Et pourtant, quand Le Duc, doux tutélaire du Verbe, avait à exiger sa fatigue ardonique, il disait simplement « Je me dois à l'Art de revenir ». Tout était déjà prédit, et voici que la voix de Notre-Dame de La Salette s'élève du sein des coreligionnaires du rap et du sein de la critique faisandée et, hélas, surnuméraire. Voici le zénith des ratpis criant de toutes parts « Tout passe par la force, rien n'est acquis de droit ».


Postérieurement, l'historiographie du rap nous révélait que désormais les dictatures des gens de talent n'est plus à prendre aujourd'hui par personne. Toutefois, le 9 février 2024 donna tort au lieu commun que le plus immense génie du monde n'obtiendrait pas le crédit de ces singuliers bonimenteurs du chant, qui changeaient ses auditeurs en bestiaux pour mieux les garder.


Il n'y a pas d'explications à donner en ce qui concerne l'art de Booba tant sa poésie est du côté du sensible, du numineux, de l'auréole.

Tzvetan Todorov expliquait que « l'énonciation est toujours présente d'une manière ou d'une autre dans l'énoncé », par conséquent, l'énonciation est un acte de parole utilisant la langue en vue d'une certaine fin : l'énoncé est le moyen et le résultat de cet acte. Or, Booba est l'énonciation même, son nom catalyse les conflagrations irascibles de notre ère et chaque zoïle à son égard révèle une carence apodictique certaine de la critique.

Ainsi, le récit chez Booba est quasi tautologique, une invariance extrapolée, presque séquentielle, de narrèmes ou de fonctions, d'une masse de variabilités indépendantes, s'organisant selon une grammaire spécifique dont on peut reconstituer le système paradigmatique et les règles syntagmatiques en une seule phrase du rappeur : « Indompté, j'les fous hors d'eux, j'aime pas l'humain, tu l'sais très bien ».

Ce qu'on appelle communément « concurrence » chez Booba est une unité de base pour sa sémiotique narrative, un énoncé événementiel composé d'un sujet anthropomorphe et d'un prédicat isotope ayant une forme transhistorique de l’intelligible humaine. En ces termes, l'énonciation en et chez Booba va à l'encontre des capucinades dogmatiques du rap, elle est de manière entropique une pérégrination vers ce qui fait notre primauté : l'instinct.


Reste à savoir ce que devient son âme, sa trop grande âme, dans cette pérambulation d'iniquité. Achanlandée par le Souffle de Dieu, il n'y a, dans les plus humbles albums de musique, une pauvre lampe allumée la nuit et le jour. Silence. Il me vient, cette dernière idée, ou plutôt ces derniers desiderata, que cette lampe est quelque chose comme la musique de Booba.

LanaDelKhey
10
Écrit par

Créée

le 11 févr. 2024

Critique lue 228 fois

1 j'aime

1 commentaire

LanaDelKhey

Écrit par

Critique lue 228 fois

1
1

D'autres avis sur AD VITAM ÆTERNAM

AD VITAM ÆTERNAM
Suvann
1

C'est l'oppresseur pour la répression

Aficionados de la masculinité toxique, du complotisme et des contradictions grosses comme le compte en banque de Booba, cet album est fait pour toi.Distillant tout au long de l'album ses meilleures...

le 9 mars 2024

3 j'aime

AD VITAM ÆTERNAM
AleksWTFRU
5

Critique de AD VITAM ÆTERNAM par AleksWTFRU

A force de clashes, de recherches de buzz stupides sur les réseaux, on avait fini par comprendre que Booba s'ennuyait pendant sa retraite. Alors le Duc a décidé de sortir de son paisible EHPAD à...

le 12 févr. 2024

2 j'aime

AD VITAM ÆTERNAM
Robetrigan
6

Un bon EP pour B2O (me parlez pas d’album)

Ma critique peut se résumer assez simplement en réalité : un bon EP.Parce que oui, il aurait dû appeler le projet comme tel, il n’a clairement pas l’envergure d’un album, et ce sur tous les points,...

le 10 févr. 2024

2 j'aime

Du même critique

LMF
LanaDelKhey
2

l'antisystème du système

Le mot "subversif" a été galvaudé de manière à nous paraître qu'un simple apparat ou un colifichet quelconque lorsqu'il est chanté par un artiste quelconque. Freeze Corleone est l'un de ces artistes...

le 12 sept. 2020

23 j'aime

28

L'Amour et la Guerre
LanaDelKhey
1

Julien Rochedy, mon passable petit cochon

L'âme est située si près de Dieu que le mot pauvre est une expression d'amabilité forte. Quand le cœur se tue de compassion et d'amour, en ces moments auxquels on ne peut presque plus retenir ses...

le 24 juin 2021

20 j'aime

22

TheKAIRI78
LanaDelKhey
10

when its pelouse its match

Les turpitudes récentes de TheKairi78 sont madrigalesques, virginales, liliales, voire sibyllines pour ceux qui ne sachent aimer une âme. Quoiqu'en disent les corbeaux de la sainte morale. Dès lors...

le 18 août 2020

14 j'aime

1