Trois ans après le succès de The Real Thing, Angeldust marque la première réelle implication dans le groupe du chanteur Mike Patton qui n’avait pu ajouter que certains éléments sur le précédent opus déjà pratiquement écrit à son arrivée. Sa patte se sent immédiatement dès les premières mesures de « Land Of Sunshine » qui le voit développer son côté dandy crooner déjanté. Ses lignes vocales, torturées, complexes et mélodiques frappent l’auditeur, tandis que la musique propose toujours ce mélange de metal, de rock, de pop et de jazz rock avec une aisance désarmante. Enfin libéré d’un carcan qui le maintenait encore dans les limites imposées par l’industrie musicale, le groupe se lâche en nous offrant des titres uniques.
Ainsi, « Caffeine » envoûte par sa construction hypnotique, avant que « Midlife Crisis » ne démontre tout le talent de compositeurs de Bottum, Bordin, Gould et Patton pour un hymne à la vie et à la démesure. Cette chanson, sans aucun doute représentative de cette période de Faith No More claque comme un appel à la différence. En plus de 4 minutes ponctuées de lignes vocales tantôt déclamées, tantôt susurrées, tantôt envoûtantes, « Midlife Crises » symbolise tout le talent d’un groupe au meilleur de sa forme, et qui se montre capable de nous asséner ensuite la berceuse « RV » sorte de mélopée chantée par un Franck Sinatra sous acide.
Ce faux intermède laisse ensuite place à la déferlante « Smaller and Smaller » aux accents orientaux qui transporte l’auditeur dans un monde de démesure, magnifié par la voix démentielle de Patton et des litanies indiennes. « Everything's Ruined « arrive alors avec son refrain pop, sa basse vrombissante et ses arrangements soignés qui annoncent le futur du groupe. Car Faith No More ne fait rien comme tout le monde et ne cesse d’explorer de nouvelles pistes. Si bien qu’il est impossible de les attendre à un endroit, puisqu’il se trouve déjà ailleurs.
J’en veux pour preuves la folie contenue dans « Malpractice » et ses arrangements discordants ou le déferlement progressif de « Be Aggressive » sur fond d’orgues et de guitares tournoyantes à la manière des années 70 ou les développements cinématographiques de « Crack Hitler » qui voit Patton se servir une nouvelle fois de logiciels capables de déformer sa voix. On est proche d’une version musicale du film Metropolis avec une dimension expérimentale que ne renierait pas Pink Floyd.
En près de 60 minutes, le groupe ne nous propose jamais deux fois le même morceau, ni la même structure. On passe ainsi d’un metal fusion aux riffs pesants de « Jizzlober » à la pop metal développée sur « A Small Victory » dont le refrain tourne longtemps dans la tête. Pour finir, l’instrumental « Midnight Cowboy » composé par John Barry (James Bond, notamment), clôt magistralement cette œuvre, en nous confirmant que Faith No More peint de superbes tableaux, tout en nous racontant des histoires sur fond de musique unique, expérimentale et en même temps mélodique. Peu de groupes en sont capables. Un des albums majeurs des années 1990.