Animals a longtemps été le dernier album de Pink Floyd au grand complet - avant le départ de Waters, donc - que je n'avais pas encore écouté. Je n'en connaissais pas le moindre morceau, encore moins les thèmes évoqués, et à peine avait-je aperçu le cochon volant dans la captation d'un concert ultérieur. La raison ? L'étroitesse d'esprit propre à l'adolescence me faisait écouter uniquement, et en boucle, le live Pulse, dont la version stratosphérique de Shine on me faisait presque autant d'effets que de la verdure. Puis, plus tard, je voyais Animals comme l'achèvement de mon intérêt pour Pink Floyd, l'étape finale avant de passer définitivement à autre chose, parce qu'il n'y aurait alors plus rien à découvrir d'eux - suprême naïveté face à un univers aussi étendu et varié que le leur, qui plus est avec les nombreux bootlegs.
Bref, jusqu'au jour où j'évoquai cette ignorance à un pote, qui me le fit écouter direct sur vinyle. Trop verbeux, trop cassant, trop concis, Animals ne ressemblait en rien à l'image stéréotypée que je m'étais faite du groupe - l'effet Dark side, sans doute.
Les jours/semaines/mois passèrent avec l'idée que, pour une première écoute sereine et non faussée, il y a mieux que la présence inquisitrice d'un fanatique du microsillon. Après l'avoir trouvé dans une version FLAC que mon pote n'aurait pas renié, je me mis donc à écouter tranquillement ce que ces quatre types avaient à me raconter.
Et là, ce fut la méga baffe. J'étais pourtant coutumier, entre autres, de la rage de Joy Division et de Nirvana, là j'ai eu l'impression d'un double doigt tendu bien haut vers la société de l'époque : l'un vers la classe politique - Thatcher et consorts en tête -, l'autre vers ces merdeux de Sex Pistols, dont la révolte artificielle et le message t-shirtement arboré "I hate Pink Floyd" a dû titiller l'ego de Waters, pour leur pondre une telle démo de colère froide sans gaver l'auditeur en 2 min chrono.
Les claviers de Wright s'avèrent quasiment absents, pour se concentrer sur un basique guitare/basse/batterie bien froid et rugueux, appuyé par les solos minimalistes et énervés de Gilmour rappelant certaines compositions de l'album More - The Nile song et Ibiza bar - et ponctué par les pamphlets de Waters. Loin d'être un sous The Wall, Animals prouve que Pink Floyd a su faire dans le succinct et le contestataire sans y perdre son âme, à une période où rebellion rimait très souvent avec kepon.
PS : Pour les amateurs de versions alternatives, Dogs et Sheep ont été captés lors du live '74 à Wembley, sous les noms de You gotta be crazy et Raving and drooling, alors que le groupe peaufinait ce qui allait devenir Wish you were here, avant que ces deux morceaux ne passent à la trappe et réapparaissent sur Animals.