T'as pas 100 balles pour un junkie ?

Avant d'être l'un des représentants de la chanson française (voire variété) surtout connu pour son tube Tombé du ciel, Jacques Higelin était un sacré rocker, limite punk sur les bords et aura fortement influencé toute la vague de rock français des années 1980 (Téléphone, dont le guitariste Bertignac a joué avec lui, notamment sur Irradié, avant d'être avec la troupe à Aubert mais aussi Berurier Noir, Bijou etc). Et à mes yeux, BBH 75 représente tout simplement son sommet, un disque brutal, électrique et totalement déglingué.

Ici pas de piano, d'accordéons ou autres, Higelin est seulement, avec son groupe BBH, accompagné de guitares, basses, batterie et harmonica. Un groupe qui l'accompagne formidablement bien d'ailleurs, capable d'apporter de la folie à ses compositions qui le sont déjà assez comme ça, oscillant entre rock, blues et deux ballades acoustiques. Sa voix totalement déglinguée est aussi bien mise en avant par une production très brute et sans concession, tout comme lui. Ses paroles sont juste mythiques (dans le bon sens du terme), mention spéciale à Est-ce que ma guitare est un fusil? ou encore Mona Lisa Klaxon, et ce, que ce soit lorsqu'il raconte de simples histoires ou non et dans le même temps, son groupe, lorsqu'il ne se lance pas dans des ballades, balance des riffs tueurs et livre des chansons aussi intenses que géniales.

C'est sur un des classiques d'Higelin (et une de mes préférées par la même occasion) que s'ouvre l'album, l'excellent Paris-New York/New York-Paris. Débutant de manières bluesy où Higelin commence à raconter son histoire avec un fond acoustique vraiment prenant, chantant déjà de manière si unique et en osmose totale avec son groupe, avant que la folie commence à monter, tant dans la musique où c'est un déferlement électrique que dans les paroles ("Vises-moi ce connard/T`as pas 100 balles pour un junkie héroïne pressing cocaïne, baby?"). Si l'intensité redescend un peu avec le calme, sensuel et bluesy Cigarette où il déclare son amour aux clopes avant de finir en toussant, ce n'est que pour remonter encore plus haut avec Mona Lisa Klaxon. Putain mais quelle chanson là aussi ! Entendre Higelin gueuler de toutes ses forces des paroles géniales sur cette fabuleuse guitare, ça n'a pas de prix, c'est vraiment excellent et l'un des sommets, comme cet album, du rock français. Ce qui est confirmé avec la clôture de la première face avec le bluesy électrique Chaud, chaud Bizness-Show, où là encore il montre sa science du rime qui va si bien avec l'excellent arrangement, bien saturé à souhait.

Et ça reprend de plus belle sur la seconde face avec Est-ce que ma guitare est un fusil ? où l'harmonica vient d'abord se mêler à l'excellente guitare funky avec effet wah-wah puis à Higelin qui commence d'abord à répéter des "comme ça" avant de se lancer un texte totalement hallucinant, donc un extrait des paroles est écrit sur la pochette "Hey ! Je suis né dans un spasme/Le ventre de ma mère a craché un noyau de jouissance/Et j'ai jamais perdu le goût de ça." et comme il le dit, on est en plein jouissance musicale. Bien rythmé, nerveux à souhait, c'est un des titres phares de l'album. Comme avec Cigarette sur la première face, Higelin reprend l'acoustique pour l'autre chanson calme de l'album Une mouche sur ma bouche qui, sans être forcément mémorable, est vraiment sympathique, un petit folk qui tranche avec le côté énervé et brutal de l'album. C'est avec un boogie bien électrique qu'il reprend, Oesophage Boogie, Cardiac Blues où il est à l'image de ses musiciens, bien nerveux et speedé. Et peut-on rêver d'une meilleur clôture d'album que Boxon ? J'en doute fortement, il livre là une vraie chanson punk-rock, saturée comme il faut, avec une rythmique d'enfer et un chant bien nerveux. Une grande clôture pour un album qui l'est tout autant. Yeah !

Voilà comment s'achève ce qui est pour moi l'un des sommets du rock français, une époque où Higelin en était un des précurseurs et surtout un de ses plus brillants représentants. Avant sa métamorphose on peut retrouve ce Higelin là dans de très bons disques comme Aï, Irradié ou le live Higelin à Mogador, ici il est nerveux à souhait et livre un album totalement fou, électrique, brutal et excellent.