Sur la plupart des classements d'albums des Beatles, Beatles for Sale arrive en dernière position. Les raisons ? Un album forcé, imposé par leur maison de disque pour Noël, et dont le titre censé être ironique est plutôt bien choisi. Les quatre musiciens sont fatigués, éreintés après une très longue année 64, ce qui se voit particulièrement sur la pochette de l'album (une de mes préférées du groupe). Leur album précédent, A Hard Day's Night, ne comportait que des chansons originales, ici près de la moitié sont des reprises, par manque de temps d'écriture. On peut comprendre, sur le papier que le disque soit une déception pour les fans. Mais si on regarde un peu plus loin, on trouve un album qui a finalement plutôt bien vieilli, et qui indiquait une véritable progression pour les Beatles.
Les compositions originales du groupe sont peu nombreuses, mais très réussies, et montrent enfin une progression dans l'écriture pour le Fab Four. Finies les paroles niaises et heureuses des précédents disques, ici le ton est pessimiste et cynique. "No Reply" où le chanteur se plaint de sa compagne qui le trompe, "I'm a Loser", "Baby's In Black" où cette fois-ci la femme qu'il envie fait le deuil d'un autre homme, "I Don't Want to Spoil the Party"... Si les paroles tournent toujours autour de l'amour (il faudra attendre Revolver pour voir une véritable évolution de ce coté la), ici le ton est plus sombre, moins niais, plus intéressant. Le point commun de tous ces titres, c'est qu'ils sont composés par Lennon majoritairement, visiblement plus inspiré que McCartney à cette période là. Ce dernier signe tout de même le doux "I'll Follow the Sun", même s'il s'avère qu'il s'agit d'une de ses plus anciennes chansons, écrite à 15 ans. Et puis il y a le méga hit "Eight Days a Week", probablement le meilleur morceau de l'album, même si pas forcément le plus intéressant en termes de composition.
Et au-delà de l'écriture, l'exécution est souvent au rendez-vous : que dire des magnifiques harmonies de McCartney sur le bridge de "Baby's In Black" ("Ooooh hooow long will it take...") ou encore la voix perçante de Lennon sur "Mr. Moonlight" ? En termes de performance vocale, McCartney lui réponds solidement sur le medley "Kansas City / Hey Hey Hey Hey", un de leur classiques de la période Hambourg, et je trouve, un rock sous-estimé. Il y a beaucoup de reprises sur ce disque par manque de temps, qui sont, malheureusement, pour la plupart médiocres (notamment "Honey Don't", qui nous montre à nouveau que Ringo a clairement la moins bonne voix du groupe).
Beatles for Sale est, dans l'ensemble, un album a réévaluer. Certes c'est un disque rushé, dont le but primaire était purement commercial, mais ce qu'en ont fait les Beatles est bien plus intéressant. Loin d'être leur meilleur, mais pas leur pire !