Premier faux pas du chouchouté Syd Matters, dont on attend toujours la suite. En trois albums impeccables dont le dépouillement est allé croissant avec la reconnaissance, le français s'était pourtant imposé comme l'un des meilleurs représentants de la scène folk hexagonale. Un début de carrière géré de main de maître: sans précipitation (un disque tous les trois ans à peu de choses près), des concerts énergiques et vivants, une vraie démarche artistique... C'était presque trop beau pour être vrai !
Une perfection insolente jusqu'à ce Brotherocean, donc, dont on ne peut curieusement pas dire beaucoup de mal, mais dont il est aussi difficile de dire du bien. Comme toujours avec Syd Matters, il faut du temps pour s'imprégner des compositions, ses structures étranges, ses harmonies parfois malaimables. Mais cette fois, rien n'y fait; on a beau écouter, réécouter, chercher bien derrière les choeurs et les petits arpèges minimalistes, la magie s'est cachée tant et si bien qu'elle semble avoir disparu ! On ne retrouve pas la fragilité, la beauté, l'onirisme qui habitaient A Whisper And A Sigh, Someday We Will Foresee Obstacles et Ghost Days, ou seulement par bribes. Chaque soubresaut mélodique étant immédiatement atténué par le creux qui le suit...
Il faut dire qu'à force de dépouiller ses chansons (Brotherocean continue dans cette logique de progression minimaliste), on en vient à ne ronger que ses os... Sans moelle à l'intérieur. Le meilleur exemple ? Ce "Hallalcsillag" étonnamment statique, dont la facilité choque presque chez un orfèvre comme Morali.
Pour autant il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l'eau du bain: Brotherocean reste un album correct, avec de jolies chansons (la fin est d'ailleurs plus convaincante, avec l'enchaînement "River Sister", "Lost", "Rest" et "I Might Float"). Mais quelle déception en regard des trois premières merveilles que nous avait concocté ce collectif parisien !