Si toi aussi tu brûles de rage devant la froide hypocrisie et le cynisme sans fin de ton président qui exige « des actes, des actes, des actes » pour répondre au défi environnemental ;
Si toi aussi tu rêves de saccager les gazons trop bien tondus des jardins qui n’ont qu’une vocation esthétique, en pissant sur les fleurs, en y lâchant des taupes et en semant des chardons ;
Si toi aussi tu n’aspires qu’à remplir de fumier les piscines de ces particuliers qui ne se préoccupent de rien d’autre que de leur petit confort ;
Si toi aussi tu ne supportes plus de n’être réduit qu’à un réceptacle à contenus pseudo culturels, qu’on gave, qu’on encrasse et qu’on sous-estime à coup de matraquage ;
Si toi aussi tu ne fous plus les pieds dans les temples de la consommation, refusant qu’on te pousse à acheter tout et n’importe quoi, à n’importe quel prix, refusant même l’idée qu’on puisse essayer de te donner envie ;
Si toi aussi ça t’écorche de voir une gamine huée, sifflée, invitée à fermer sa gueule par des parlementaires sans honte quand elle exhorte seulement à ne plus prétendre avoir pris conscience mais bien à agir ;
Si toi aussi tu traverserais bien l’Atlantique à la nage pour aller la remercier, lui dire que tu aurais aimé avoir la moitié du courage qu’il faut pour ester en justice à l’encontre d’États dont les représentants ont passé les dernières décennies à s’engager pour le buzz, sans traductions politiques ni résultats ;
Si toi aussi tu encourages la désobéissance civile quand elle vise à défendre une cause valable et que tu ne te laisses plus abrutir par des médias partisans ;
Si toi aussi tu jubiles rien qu’à l’idée de hisser le drapeau LGBT sur le toit de la maison de Christine Boutin ou de Frigide Barjot, de faire bouffer de la viande halal à Marion Marechal Le Pen ;
Si toi aussi tu voudrais qu’on fasse péter Wall Street, qu’on foute tout par terre et qu’on se parle autrement qu’en coût, production, croissance ou dette, qu’on se parle tout court ;
Si toi aussi tu voudrais arracher leur pognon aux enflés qui s’engorgent de leurs billets à longueur d’année, qui ne daignent pas en donner un, juste un, à ceux qui en ont besoin, qui n’ont connu de la crise qu’une bonne occasion de gonfler un peu plus leur porte-monnaie en montant d’un étage par cet ascenseur social injuste, et les leur faire bouffer jusqu’à étouffement ;
Si toi aussi tu te meurs un peu plus à chaque démonstration quotidienne de bêtise humaine qui, au nom de la liberté, nie le droit aux autres espèces à prospérer ;
Si toi aussi tu as senti qu’on avait sacrément merdé et perdu le contrôle, qu’on aurait probablement dû se rebeller un peu plus tôt, un peu plus fort, avec un peu plus de véhémence ; si toi aussi t’en viens à te dire qu’on a sans doute obtenu ce qu’on méritait, qu’on a bien voulu se laisser endormir ; si toi aussi parfois t’as une larme à l’œil juste en voyant une vidéo de panthère des neiges ou d’une tortue ; si toi aussi ça t’émeut de voir des gens bien qui se défoncent toute l’année, tout leur vie pour faire ouvrir les yeux et forcer les prises de conscience, ces gens qui inspirent ; si toi aussi, au fond, tu n’as pas envie de t’abandonner à des réactions primaires…
Alors, jette une oreille à cet album d’Idles, voire à leur deuxième si tu aimes ça… Tu y entendras des mecs tout aussi en colère que toi, mais qui exploitent leur frustration et leur ressentiment envers cette société malade et ces classes politiques gerbantes pour les transformer en musique, du punk comme tu n’en as plus entendu depuis des années, peut-être des décennies. Des anglais qui ont répondu dès 2017 au Brexit et à la peur par des messages d’amour, d’accueil et de tolérance que tu n’entends même plus dans la bouche de tes représentants. Je ne te promets pas un coup de foudre musical, juste un coup de pied au cul, juste des messages qui font du bien. Et si ça te sort de ta zone de confort, ce n’est pas un mal. Et si tu trouves ça un peu trop sauvage ou énervé, laisse sa chance au produit quand même et reste jusqu’au bout, tu pourrais être surpris.e.
Tu trouves que je ne t’ai pas vraiment parlé de musique, de l’album ? C’est tout le contraire. Tout y est, cette démonstration de force et de technique, ces paroles enfiévrées vont te redonner foi en toi, en les autres, en ces choix que tu vas faire pour ne pas sombrer. Et demain, tu te lèveras gonflé.e à bloc, débordant.e d’énergie, prêt.e à en découdre. C’est la bande son de ton futur. Et comme souvent, elle vient d’Angleterre.