Depuis la fin des Innocents, JP Nataf semble libéré du poids de devoir plaire à tout prix. Un bon premier album était sorti dans un esprit proche de ce qu'il faisait avec son groupe. Après, Nataf est devenu comme le grand frère de la pop version francophone, tendance ligne claire avec des participations tout azimut à des albums, notamment le projet Imbécile d'Olivier Libaux et le concept barré de The Wantones. Nataf semble n'en faire qu'à sa tête à l'image de sa barbe de plus en plus fournie et atteignant un taille déraisonnable. Voilà donc que sort aujourd'hui Clair deuxième album solo de celui qu'on pourrait voir comme le Jeremiah Johnson de la pop folk française : un gars solitaire, presque écologiste dans sa vision naturelle de la musique. D'ailleurs, l'album a été enregistré à la campagne. Autre petit détail, JP Nataf joue un peu de tout sur cet album, accompagné de Jean-Christophe Urbain tout de même et de quelques invités prestigieux venant ça et là jouer du violon, du piano (Bertrand Belin, Albin de la Simone) ou chanter avec JP (Belin encore et l'artiste qui monte Mina Tindle). JP Nataf joue même de la batterie sur 8 titres sur 12, et à l'image d'un album non tapageur, il en joue en douceur. C'est vrai qu'à la première écoute, fusse-t-elle à fortiori distraite, Clair apparaît un peu insipide. Pas de tube imparable, pas de morceau bélier qui force toutes les portes du succès et de l'évidence mélodique.
Clair est plutôt un album clair-obscur qui demande une écoute plus attentive et surtout d'en augmenter le volume. L'homme est subtil derrière son physique d'homme des bois un peu bourru. Un vrai travail d'orfèvre que celui là où chaque touche trouve sa place dans une harmonie bucolique touchante. Un vrai tour de prestidigitation qui fait sembler court un morceau de près de 10' bâti sur une seule frise de guitare : mais seulement voilà sur Seul alone, JP Nataf trouve le ton juste, le son idoine, le sample - modeste - qui enrichit (Merci Kim Fahy), la note de piano qui emporte le morceau. On peut noter ça et là des particularités entendues chez d'autres : Après toi a un coté Yves Simon, Viens me le dire évoque une ligne de chant de Matthieu Boogaerts. Pour le reste, Nataf s'inscrit dans une famille folk avec des morceaux parfaitement ourlés, taillées dans les meilleures étoffes avec les coupes les plus élégantes. C'est intimiste, chaleureux mais en même temps, cela ne devient jamais cliché (genre folk au coin du feu), le travail de Nataf est d'apparence simple mais au final ultra raffiné. Et puis, il est amusant de constater - par souci de liberté personnelle, peut-être - que le Français apporte ponctuellement des touches d'exotisme : une teinte sud-américaine sur Myosotis, une kalimba et un steel drum tout caraïbe sur Viens me le dire, les choeurs de Mina Tindle donnent un vent tahitien sur Après toi. De telles idées se fondent parfaitement dans le petit monde mélodique de Nataf et vous éloignent nettement de la banalité. Clairment un grand album.