Donuts n'est pas un épitaphe.
Putain. Mal au ventre, une indigestion ou autre chose, je sais pas. Je me tords. Merde, merde, merde, qu'est-ce que j'ai foutu. C'est peut-être la bouffe d'hier. Tu sors tous les soirs, tu finis dans un McDo, dans un kebab, tu prends un dessert parce que t'as juste besoin d'un peu de sucre pour sortir après, affronter les regards, tenir debout avec tes jambes d'anorexique.
Je regarde les rayures des vêtements, les rayures dans les regards, les rayures sur la peau, les rides des vieilles femmes, les lunettes noires et les mâchoires serrées. Les rayures des lumières qui défilent sur les visages, des flashs, des crises.
Et pourtant la tendresse, comme un Donuts, du sucre qui réconforte le vide. Comme un trou noir, comme les spirales autour du creux, comme les anneaux d'une planète invisible. Des câlins généreux, comme la Terre enlacée par le ciel. Comme ces voix qui s'élèvent de nulle part, sonnent à tes oreilles, et font sens, finalement. Des volutes de réconfort entre les êtres, des ondes invisibles, l'infini besoin de quelqu'un qui te serre dans ta solitude.
Immédiatement l'essentiel. Pas besoin d'intro, d'outro, de progression, d'apogée, de construction, de rhétorique. L'âme du morceau, tout de suite, l'âme de la musique, le goût du sucre qui pénètre dans la bouche, les trois notes de basse répétées ad libitum. Les morceaux d'une phrase recollés les uns aux autres, les sirènes. Les coupures nettes. Les échardes de l'album, visibles, qui déclenchent l'empathie. Le besoin de s'en occuper, de le soigner, malgré sa dureté. Son regard est bienveillant. Et il t'en sera reconnaissant. C'est juste que… tu veux t'occuper.
- Je sais pas, tu m'appelles et t'es en pleurs, tu m'inquiètes. Tu te rends pas compte. On se fait beaucoup de soucis pour toi. Tu fais ce que tu peux, tu te reposes, et tu fais en sorte que ça aille mieux. On s'en sortira.
Tu affrontes l'écume, et tu te bats contre les éléments, alors que tu pourrais juste en profiter, les avoir à tes côtés, te laisser porter par le courant. Tu te sens trop le besoin de faire en sorte que le monde soit contre toi. Tu vois? Tu te laisses jamais faire.
- C'est pas vrai, ou alors c'est vrai pour tout le monde, tout le monde a besoin de se convaincre soi-même, d'avoir raison.
- Ouais mais chez toi ça en devient paranoiaque.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Je sais pas, je te dis ce que je pense.
Elles sortent du bar pour fumer une clope, encore une autre, et elles pensent que la fumée les rendent mystérieuses. D'un côté, ça marche, ça les enveloppe, ça les photogénise. De l'autre, une fois que le pseudo-mystère est crevé, ça crée un vide.
Et le vide m'a raccompagné, comme une odeur sur ma veste.
J'avais mis ma plante sur mon balcon pour qu'elle prenne le soleil, mais je me suis rendu compte que la lumière de la rue était toujours à l'ombre.
J'ai reniflé mes vêtements, j'ai senti la même odeur.
Les rayures sur le sol, les motifs de la rue, j'ai envie que ça marche, que ça s'élève et que ça sorte de la terre, que les couleurs sortent d'elles-mêmes, que la physique perde ses règles, mais j'ai peur de m'y perdre.
"tu risques rien, ça retombe au bout d'un petit moment"
"mais fais-le avec quelqu'un, pour une première fois"
"You better stop, and think about what you're doing".
"You better stop, and think about what you're doing".
Je sais pas, j'ai du perdre l'élan, je dis des banalités et ça passe plus, on se fait chier. Du coup je me force et j'en fais trop, j'accepte pas d'avoir une perte de vitesse, j'ai l'impression que la paresse est malsaine. Tout retombe à un moment ou à un autre.
Mais ce qui compte, c'est comment tu vois les choses maintenant. Ce que tu gardes avec toi, ce n'est qu'une construction de l'imaginaire. Ce n'est pas grave. Rien n'est grave. Toutes les constructions sont stockées dans le présent, et tout ce qui s'écroulera est déjà là. Alors regarde les choses comme si tu étais amoureux, ça ira mieux.
Mange un Donuts.