" Duke " est un album curieusement sous-estimé. Avec souvent l’argument qu’il est trop pop et pas assez prog. Ce qui ne veut pas dire grand chose : les étiquettes ne font pas la qualité de la musique.
Oui, on trouve deux hits sur cet album : " Misunderstanding " et " Turn It On Again ". Mais créer des hits n’est pas un problème en soi, surtout au vu de la qualité de ces deux titres. Le très agréable " Misunderstanding " est souple et rythmiquement entraînant, presque soul; et le carré et puissant Turn It On Again " est parfaitement taillé pour le live.
D’un autre côte, " Duke " ne manque pas d’arguments si on tient à l’étiqueter " progressif ". Cet album contient des compositions très élaborées qui attirent immanquablement l’attention avec leur recherche harmonique, mélodique et rythmique - notamment avec les morceaux de début et de fin d’album. Et ceci sans se limiter à une démonstration technique : rien n’est gratuit ou fortuit, et on ressent des émotions.
Cet album est si bien construit que l’on pourrait croire écouter un concept album. On y entend d’ailleurs plusieurs rappels de thèmes. En réalité, l’aspect concept album concerne précisément les deux titres de début et les deux titres de fin, d’une grande intensité, " Behind The Lines " / " Duchess " et " Duke’s Travels " / " Duke’s End ", ainsi que " Guide Vocal " et " Turn It On Again ". Il faut dire que ces morceaux ont été initialement conçus pour ne former qu’une seule pièce.
Les autres titres ne ressemblent pas à des pièces rajoutées pour remplir l’album. Ils s’insèrent très bien dans l’ensemble, dans cette ambiance globalement assez mélancolique. Surtout les morceaux écrits par Phil Collins et inspirés par son divorce, pas du tout dégoulinants de niaiserie et à la sincérité émouvante - c’est à préciser, compte tenu des erreurs de sa carrière solo… Et les titres écrits par Tony Banks nous emmènent dans ces ambiances automnales que le claviériste maîtrise si bien.
S’il n’y avait pas les titres " Man Of Our Times " (un peu lourd) et " Alone Tonight " (un peu facile), écrits par Mike Rutherford, on pourrait dire que " Duke " n’est pas loin du chef-d’œuvre. Mais ces deux titres sont tout à fait écoutables et ils ne suffisent pas à gâcher l’ensemble.
" Duke " est un album inspiré et finalement assez aventureux : Genesis ont eu la bonne idée de continuer dans la subtilité qui a fait leur identité tout en s’ouvrant sur l’extérieur avec quelques titres faciles d’accès et pourtant pas ouvertement commerciaux, et avec une modernisation de leur son (concernant notamment la batterie et les claviers). Ils ont ici vraiment fait progresser leur musique : on peut parler de rock progressif… qui progresse.