Cela fait un bout de temps que je n'ai pas chroniqué un album. Et quoi de mieux que de chroniquer un disque qui nous ait cher ? Laissez-moi donc vous parler de l'un de mes albums préféré de tous les temps, porte-drapeau d'un de mes genres musicaux de predilection. Enfilez une veste noire qui vous tiendra bien chaud, n'oubliez pas votre crucifix autour du cou, nous partons pour la Suède.
Pour les néophytes, ce qu'on appelle le Doom Metal est une musique lente à l'imagerie inspirée par la magie noire et les récits mythologiques. Le genre serait apparu à la fin des années 70, quand des groupes comme St Vitus et Trouble ont repoussé la lourdeur des premiers albums de Black Sabbath pour en faire quelque chose à part. Dans les années 80, alors que le Thrash et le Speed Metal font régner la vitesse et la fureur dans les tympans des metalleux, certains groupes préfèrent rester dans leur bulle, à cultiver une lourdeur mastodontesque et à se fasciner pour l'occulte et la solitude. Et cette vision du Metal aboutira à un disque qui donnera ses marques de noblesse à tout un genre.
Epicus Dommicus Metallicus est le premier album de Candlemass, groupe originaire de Stockholm, sorti en 1986. La carrière du groupe est marqué de nombreux changements de line-up, avec plusieurs chanteurs, et des musiciens différents sur chaque disques. Rares sont les groupes à avoir frappés un coup de maître dès leur premier essai, et pourtant ils l'ont fait.
Il y a des disques qu'on aime de plus en plus au fil du temps. Dans mon cas, celui-ci est l'exemple parfait ! Je suis passé de l'écoute de quelques morceaux de temps en temps à me passer le disque plusieurs fois par mois. En même temps, quelle claque ! C'est magique, c'est surpuissant, c'est irréel ! Bon, je vais calmer mes ardeurs et tenter de vous expliquer en quoi Epicus Doomicus est un album légendaire.
En 1986, le Doom existait déjà sous de nombreuses incarnations : Trouble, Saint Vitus, Pentagram, et bien sûr Black Sabbath. Mais certains de ses groupes ont perdu de leur saveur au fil du temps, ce qui était autrefois lourd est devenu léger (je pense notamment aux premiers Pentagram et Saint Vitus). Mais pas Candlemass. Candlemass a placé un crâne embroché au sommet d'une montagne, et cet ornement diabolique tient toujours depuis près de quarante ans. De nos jours, il existe beaucoup de groupes à la lourdeur extrême, et certains sont de qualité (Conan ou Bongripper par exemple), mais ils ne dépasseront jamais le maître.
La lourdeur dans la musique ne repose pas que sur le son des guitares et la production. Certes, quand les instruments ronronnent et martèlent, ça décoiffe, mais il y aussi le fond en plus de la forme.
Epicus Doomicus Metallicus est aussi réussi dans ses sonorités que dans son ambiance. Les musiciens sont talentueux, et la production est propre. La guitare sonne comme une lourde pierre tranchante, accompagnée par une basse fantomatique et une batterie très très vénère. Ce sont ces riffs grinçants et monstrueux qui font mouche à chaque morceau, ces soli qui évoquent des lamentations démoniaques, et ces passages où la batterie écrase tout sur son passage comme un pachyderme revenu de l'au-delà. Et qui est le porte-voix de cette mélopée infernale ? Un prêtre nommé Johan Längqvist, qui chante comme un Ronnie James Dio fantome, variant entre une voix cristaline de tenor et des cris de douleur.
I'm sitting here alone in darkness, waiting to be free
Lonely and forlorn I am crying
I long for my time to come, death means just life
Please, let me die in solitude
Un autre trait Doom de ce disque, ce sont ces textes. Empreint d'une tristesse et d'une mélancolie poétique, qui évoque des récits de sorcellerie sombre. Des magiciens maléfiques, des boules de cristal et des démons, un univers qui évoque la littérature ou la peinture gothique. Un paysage sombre et désolé de ruines et de forêts, d'abord effrayant puis magnifique. Il se dégage de cette douleur et de cette force occulte une majesté, emplifiée par la richesse de l'album, et la longueur des compositions, qui sont chacune de petites odyssées.
Candlemass a mit tous les moyens possibles pour créer son univers. Chaque morceau contient de nombreux riffs, des changements de rythmes, et même quelques claviers. C'est aussi ce qui différencie les disques de Doom antérieurs à celui-ci : l'audace et la prise de risque.
Véritable merveille, excellent album de Metal de manière générale, Epicus Doomicus Metallicus est de très loin le meilleur représentant du genre. Candlemass a eu une longue carrière, mais aucun album postérieur, n'a été d'une aussi bonne qualité. C'est une excellente porte d'entrée vers un genre souvent à tort qualifié comme ennuyeux, encore efficace des décennies après sa sortie.
Quand la mélancolie vous tiraille, ou que vous vous sentez misérable, partez en balade avec cet album dans les oreilles. Laissez le quatuor suédois vous conter des histoires de magie et de solitude, tout en vous donnant une force mystique comme rarement vous pourrez la sentir en écoutant du Metal.
Top 3 : Solitude, Demon's Gate, Under the Oak