Les cendres se sont répandues, semble-t-il. Au sein de ses groupes et de ses collectifs (1995, S-Crew, 5 Majeur, l'Entourage) Nekfeu, l'homme dont "tout le monde" parle en ce moment, est un peu comme la petite fourmi rouge qui se retrouve malgré elle au milieu d'un escadron de fourmis noires. Nekfeu est un homme qui se cherche et qui, indépendamment de sa volonté, se cherchera éternellement pour ne pas endiguer son rap. Le bonhomme n'a plus grand chose à prouver si ce n'est qu'il a un rôle délicat à jouer, celui de porteur d'espoir, non seulement pour les siens mais aussi pour lui-même. En effet puisque la sortie en trombe de son premier album est en quelque sorte une consécration pour toutes les années passées à freestyler et à s'exciter micro en mains dans les horizons de paname city, attendant méthodiquement ce jour d'attentat où il allait tout niquer. Et ce jour est en bon chemin pour arriver à destination finale ; "J'vais braquer l'industrie comme les Daft Punk", mini-extrait de «Martin Eden» faisant parfaitement état de sa détermination.
En mon for intérieur, malgré qu'il m'est parfois difficile de l'admettre, plusieurs visions du rap se livrent bataillent mais jamais aucune d'elles ne prend le dessus sur une autre. Pourtant, et cela entretient sans doute la fascination, ce serait se limiter mentalement que de cantonner Nekfeu à une seule de ses visions et c'est peut-être là une preuve de l'étendue de ses secrets de kickeur. Il se dégage de la mêlée pour embarquer dans un tourbillon de jeux de mots quiconque entendra les premières notes de ses mélodies. Armé d'un flow de malade mental et hanté par des voix, le petit oiseau a grandi et s'est métamorphosé en un phénix. Mitraillant son auditoire avec ses envolées parolières toutes plus lourdes les unes que les autres, Nekfeu n'est plus le même, il n'est plus le môme d'autrefois et l'homme de la laverie, comme tant d'autres de ses facettes, est définitivement derrière lui, telle une ombre.
D'autre part, l'introduction du morceau «Tempête» résonne comme un hommage à l'ère «Ouest Side» du Duc de Boulogne, Booba. A son image, le fennec referme le livre du MC à deux balles qui a les couilles vides pour laisser réémerger une ancienne bible, celle du MC primaire, voire préhistorique, profil ô combien adapté à cette guerre du feu qu'il semble vouloir mener envers et contre tous. Avec logique il revient alors vers le métier de penseur, chose pour laquelle il a toujours été destiné.
Leur force de frappe, Nekfeu et ses camarades en font l'étalage d'un bout à l'autre de l'album. Frais, endiablé, cérébral, parfois dépitant, peut-être même inégal mais rarement incohérent, le disque s'étale sur une bonne quinzaine de pistes et condense les chroniques d'un pyromane du stylo. Au-delà de tout, il essaye tant bien que mal de montrer qu'il est possible de s'enflammer sur quelque chose autrement qu'en balançant des prod's à coups de boom-boom bam-bam (de la trap grosso-merdo, pour celui du fond qui n'aurait pas compris...) et imagé par des lyrics dignes d'un consanguin en phase terminale. C'est bête et méchant mais qu'est-ce que c'est bon.
Haters gonna hate ? (Je ne fais pas allusion aux gens bien éduqués qui ont un esprit critique, mais je parle de ceux qui se perdent dans leur débit grandissant de paroles en racontant des salades sur Nekfeu, le cataloguant au même niveau qu'un groupe tel que Fauve. Restons sérieux. Tout ça pour la simple raison qu'il montre de l'ambition dans ses écrits et également parce que son public est composé en partie de gamins et de minettes du 16ème arrondissement. À dire vrai, moi je m'en tamponne l'oreille avec une babouche, chacun est libre d'écouter de la zikmu comme il l'entend)
"Feu, feu, feu, feu, feu, feu !!"
(8.5/10)