Foxtrot, l'album de la réconciliation
Belle erreur de ma part d'avoir mis au placard Genesis, un des groupes majeurs du rock progressif anglais des années 70 avec Yes et King Crimson. Un peu rebuté par le chant théâtral de Peter Gabriel, l’initiation tentée, il y a quelques années, avec Selling England by the Pound, leur album le plus plébiscité, avait été rude. Les morceaux Firth of Fith et Cinema Show m'avaient conquis, mais d'autres comme le foutraque The Battle of Epping Forest ou la ballade mièvre More Fool Me m'avait profondément rebutés. Même Dancing with the Moonlit Knight, titre pourtant très apprécié, ne m'avait pas convaincu. Moi qui m'attendais au summum du rock progressif, compte tenu des avis dithyrambiques à l'égard de cet album, la déception puis l’incompréhension furent bien présentes. J'avais ensuite tenté la période Phil Collins avec Wind and Wuthering, mais l'essai ne s'était pas non plus relevé concluant, pire que ça, j'avais décidé d'enterrer Genesis au côté de Yes dans l'affreux cimetières des groupes bannis de ma chaîne audio.
A l'occasion d'une brocante, j'arrive à mettre la main sur la version vinyle de Foxtrot pour trois francs six sous. Je décide alors de persévérer en redonnant une chance à un groupe qui fait, quand même, quasi l'unanimité auprès des amateurs de prog rock. Malheurs ! dès le premier titre Watcher of the Skies, je serre des dents ; le rythme inutilement complexe, la structure bancale et la voix démonstrative de Peter Gabriel qui déclame plus qu'il ne chante me font souffrir les tympans et craindre le pire quand à la suite. Décidément la sauce refuse de prendre, et j'imagine déjà le petit plaisir de punir sur Sens Critique un album qui a près de 8 de moyenne en lui infligeant une note minable. Le salut vient alors du second morceaux : refrain accrocheur, claviers délicieux et un Peter Gabriel supportable, je me dis que rien n'est fichu et que ce disque va me révéler d'agréables surprises. La suite est une confirmation : l'album alterne entre passages énergiques menés par un chant chargé d'émotion et passages instrumentaux où la flûte, les différents claviers et la guitare se relèvent d'une grande beauté. Mention particulière au travail de Steve Hackett et son délicieux jeu d'arpèges. Autre titre très bon, Can-Utility and the Coastliners et ses passages guitare/mellotron dramatiquement poignants qui finit avec brio par un chant enfiévré.
Pièce maîtresse et seconde partie de l'album : Supper's ready et ses presque 23 minutes, disposant d'un « scénario » divisé en sept parties. D'une grande complexité structurelle sans tomber dans le dangereux piège du fourre-tout sans cohérence ; j'ai trouvé personnellement qu'il s'agissait d'un mélange de Cinema show et de The Battle of Epping Forest de l'album suivant . Les dix premières minutes sont un régal. La progression parfaitement orfévrée force le respect et les différents thèmes s’emboîtent à merveille Le titre commence tout en légèreté et finesse avec de belles mélodies éthérées grâce, une nouvelle fois, à la sublime paire guitare/clavier. L'intensité dramatique monte ensuite progressivement de façon très naturelle pour arriver au thème central particulièrement prenant qui se conclu par un joli solo de Steve Hackett avec son final en tapping (quasi inédit à l'époque). Ensuite, Peter Gabriel tombe un peu dans ses travers avec les parties Willow Farm puis Apocalypse in 9/8, théâtrales, mais du genre burlesque et soutenu par une instrumentation plus costaude qui se relève agaçante et casse l'élan symphonique des parties précédentes, frustrant est le mot. Heureusement le morceau revient vite sur des bases saines avec 6 dernières minutes magistrales avec, comme bouquet final, la reprise du thème principale particulièrement épique grâce à la voix déchirante d'émotion de Peter Gabriel et la guitare mugissante de Steve Hackett.
Même si en réécoutant l 'album depuis, je me suis un peu réconcilié avec le premier titre, il est pour moi le morceau inférieur de ce très bon album qui a su casser mon parti pris sur un des groupes incontournables de l’âge d'or du prog.