Y' a pas à dire, Gainsbourg sait mettre en place une atmosphère. Il sait planter des décors, qu'importe où l'on soit. Des guitares à la fois discrètes et imposantes surgissent, la batterie les rejoint: instinctivement, on sait qu'on est en ballade. Arrive la voix susurrée, abimée du grand Serge, chuchotant son histoire comme si il était hantée par celle-ci. Avec un vocabulaire délicieux et un sens d'exposition, ses textes sont très agréables à écouter. Les violons surgissent de nulle part, ils sont là pour jouer les Bouleversements. Là, en l’occurrence, le choc avec le vélo de Melody. -Tu t’appelles comment ? -Melody. -Melody comment ? -Melody Nelson... c'est tout bête, mais c'est instantanément culte. Ces 7 premières minutes passe à une allure folle. Ensuite, c'est la "Ballade de Melody Nelson", que d'aucuns considèrent trop courte, comme pour les deux prochaines chansons. Mais je pense que c'est ce caractère de durée qui fait aussi qu'on s'en lasse difficilement. Bref, cette Ballade résumant un peu l'histoire est très vite entêtante. la "Valse de Melody", sans doute la plus belle musique pour cordes qu'il n'ai jamais composé, est même hypnotique. "Le soleil est rare, et le bonheur aussi"... Ah, Melody est tout de même ma préférée des trois courtes. Avec sa simplicité pour parler de complexité, avec ses émotions cachées, avec son réalisme par rapport aux doutes... et puis, la trompette surprise, qui est quand même géniale ! Ensuite vient la séquence érotique, "L’hôtel particulier" (première chanson à ne pas avoir le nom Melody dans le titre) remontre le talent analytique de Gainsbourg, ainsi que son gout prononcé pour le luxe et d'une certaine noblesse romantique. Tout dans ce titre, comme sur toutes les autres chansons de l'album, sont calibrés et millimétrés, de sorte que tout est parfaitement à sa place, et jamais lassant. "En Melody", instrumental, est aussi très bon, même si pour moi la qualité baisse quand même. "Cargo Culte"... le monumental, l'inoubliable "Cargo Culte"... sans doute la meilleure conclusion d'album que j'ai jamais entendu dans ma vie. Indétrônable. Tous les ressentiments du narrateur sont mélangés pour former un puisant hymne symphonique à sa Dulcinée carbonisée par le 707 (d'où le fait qu'il n'y ai que 7 chansons). Les paroles sont au Zenith... Les dialogues cultes reviennent... les guitares et les cordes sont au diapasons et plus complices que jamais... et puis, les chœurs en arrière fond... et enfin, le final... hallucinant, vraiment. On plane.
Donc oui, un album de référence, mythique et audacieux. le seul vrai reproche que je pourrai faire à l'album en fait, et à l'ensemble de la discographie de Gainsbourg sauf pour sa période années 80, c'est: POURQUOI C EST SI COURT ???