Je ne sais pas trop pourquoi mais, bien qu'étant fan de Noir Désir, je n'avais pas adoré ce disque à l'époque...je le trouvais un peu "plat" ou décevant...pas assez nerveux, pas assez d'évidence mélodique à mon goût sans doute. Il faut dire qu'avant d'avoir commis l'impardonnable et détruit du même coup sa magnifique carrière le père Cantat avait pondu son chef d'oeuvre ultime avec le grandiose et intemporel "Des visages des figures" avec le mythique groupe bordelais. Et puis un jour, j'ai eu un déclic : j'avais un peu vieilli et une certaine mélancolie/amertume m'a ouvert la porte royale pour accéder aux zones d'émotions du disque qui m'étaient inaccessibles.
Aujourd'hui lorsque j'écoute "Ange de désolation" je me sens bouleversé par cette amertume à fleur de peau, et je suis encore plus impressionné qu'avant par le single "Droit dans le soleil" qui est une magnifique valse ne cherchant pas à rivaliser avec "le vent nous portera" mais dont la force réside précisément dans son absence de prétentions. Le chant est dénudé...les violons sont poignants, chaque syllabe est finement interprétée avec une intonation digne des plus grands interprètes, Cantat ne cherche plus à faire du rock...il n'est plus d'humeur...il est véritablement brisé par le poids de la culpabilité et cela se ressent et s'entend. Les 12 titres s'enchaînent assez efficacement, dans une veine blues/folk mélancolique/chanson française assez proche de son ancien groupe et pourtant assez éloigné tout de même...seuls les superbes "Dans le creux de ta main" (seul titre "rock" de l'album avec des réminiscences noir desiriennes) et "Sa majesté" au groove rampant semblent avoir manqué à l'appel sur d'anciens albums du groupe.
Evidemment, tout n'est pas parfait (tout ne peut pas l'être au vu des circonstances d'enregistrement) mais c'est dans les détails que se cache le diable : "Ma muse" est une belle chanson d'ouverture mais ses rimes en "use" sentent un peu trop l'exercice de style forcé, les deux titres chantés en anglais ne sont pas franchement les plus inspirés de l'album bien qu'ils ne soient pas mauvais du tout (Cantat a toujours été meilleur en chantant en français de toute façon à quelques exceptions près...). Pour ce qui est de la décence...on peut se rassurer le père Cantat n'a pas trop fait référence à son passé glauque et tumultueux (de manière quasi subliminale sur le morceau-titre "Horizon" à la rigueur). Niveau textes on est encore gâté...et ce n'est définitivement pas donné à tout le monde (surtout en France) d'écrire comme ça dès qu'il s'agit de chansons françaises...la preuve en est que sa reprise de dernière minute de Ferré "Avec le temps" se marie parfaitement bien avec le reste. Concernant cette reprise, on ne peut pas trop la critiquer, on peut toujours essayer, mais...sincèrement quoi que le personnage puisse donner à ressentir, difficile de ne pas s'incliner devant une telle justesse d'interprétation pour ma part...du très grand Cantat!
Moins abouti que son superbe "Amor Fati" sorti un peu plus récemment (car légèrement moins diversifié) qui m'avait donné envie de me replonger dans cet album, "Horizons" est quand même un sacré bel album... C'est sombre, c'est mélancolique, c'est très singulier, très personnel...mais si c'est l'émotion que vous cherchez avant tout dans la musique, vous ne regretterez sans doute pas de donner et redonner sa chance à cet album unique de Detroit.
On ne risque pas de ré-entendre cette voix de si tôt alors autant en profiter et apprécier à sa juste valeur les derniers travaux qu'un artiste irremplaçable nous a laissé...