Pas facile d’écrire ce que me fais ce disque, de décrire les impressions qu’il me laisse.
Le bonheur de la première écoute, les retrouvailles. Enfin. « Ne le répète jamais à personne (…) soit toujours au rendez-vous ». Les mots coulent comme j’aimerais les écrire, la voix est calme et posée, elle « se glisse entre les interstices ». La poésie est partout dès le premier morceau. Magique, magnifique. Une poésie pleine et forte, portée puissamment par une guitare qui s’envole dans les saturations violentes : l’agression intime d’une rage de vivre qui ne se tait pas. Il y a tant de non-dits dans l’amour qui se chante là, tout ce qui git, enfoui, que la guitare sublime. D’entrée, le retour aux sources, enchanteur, est salutaire.
Du rock lancinant qui dit toutes les racines que partage le duo – voix dans le rythme et dans le ton -, jusqu’aux envolées de riffs puissants du Detroit, en passant par une Terre Brûlante, on rejoint les arpèges enfantins et somnolents d’un Ange de Désolation. La berceuse « s’infiltre jusqu’au fond des chairs », et le propos dérive dans l’absurde contemporain, « Dors mon ange, dors »… Bertrand Cantat partage son enfance, une vie loin avant. Il murmure ses douleurs, ses rêves brisés, avec un espoir contrarié mais d’une présence rare, énorme. La triste absence de Noir Désir, Pascal Humbert la compense sans fausse note. Bien au contraire : Detroit c’est l’Horizon déjà. Une danse à la fois macabre mais gorgée de vie, la rage toujours, la colère qui se dessine. Tout explose dans une furie de guitare et de cris. Les hurlements hauts parlent une énergie qu’ils laissent s’exprimer avant de toujours la ramener au calme : « Cherche ton horizon, Traverse les cloisons ». La justice et la résignation.
Valse mélancolique, Droit Dans le Soleil. Detroit impose sa marque et pose les bases d’un nouveau territoire sur des terres longtemps laissées en jachère. La récolte est riche, forte d’une diversité d’humeurs positives dans un écrin de désillusion aux riffs expressifs. Un contraste qui explose dans Le Creux De Ta Main. Bertrand Cantat et son compère Pascal Humbert nous quittent sur une reprise de Léo Ferré, Avec Le Temps, « tout s’évanouit. »
Et c’est déjà fini.
Matthieu Marsan-Bacheré