Contrastant avec le minimalisme un peu fade de son prédécesseur The Fall, Humanz se fait tonitruant et renoue plutôt avec Plastic Beach, qui transformait l'alter ego virtuel qu'était la marque Gorillaz pour Damon Albarn en une entité collective. Comme sur cet album, la voix du chanteur passe souvent à l'arrière-plan, effacée par la myriade d'invités, et Humanz va même encore plus loin puisque le leader de Blur n'intervient souvent que dans les chœurs et les refrains, avec finalement un résultat bien différent de celui de Plastic Beach. Là où ce dernier régalait par sa nonchalance estivale, le septième album de Gorillaz tente ainsi de déboussoler l'auditeur par son agressivité.
Albarn a en effet demandé à chacun des artistes présents sur le disque d'imaginer que l'enregistrement avait lieu dans un monde où Donald Trump serait président des États-Unis. Chaque invité, sans se douter que ce postulat deviendra réalité quelques mois plus tard, livre alors sa vision de la société résultante, et l'album de se faire collection de chansons dystopiques. Les voix sont menaçantes, les sonorités oppressantes, et le doux timbre d'Albarn est souvent l'unique et mince filet d'espoir au cœur de ce paysage étouffant. Il suffit d'écouter pour s'en rendre compte « Saturn Barnz », où 2-D s'oppose au ton narquois de Popcaan, « Hallelujah Money », où il délivre une plainte d'une grande puissance lyrique contrastant avec le déprimant mais magnifique parlé-chanté de Benjamin Clementine, ou encore « Let Me Out », peut-être le meilleur morceau, et « Charger », qui voient respectivement la soul de Mavis Staples et celle de Grace Jones se parer d'atours apocalyptiques et teinter le chant d'Albarn d'une sorte d'inquiétude malgré sa désinvolture. L'album ne cherche ainsi jamais à plaire, soumettant l'auditeur a quantité de sons agressifs voire discordants, et même si certains titres ont un aspect pop bien plus développé (« Strobelite », « Submission », « Andromeda »...), cette identité n'empêche pas quelques uns d'entre eux de se charger d'une électricité sauvage prolongeant le geste destructeur du reste de l’œuvre (« Ascension », « Momentz »).
L'impression d'écouter une bande originale pour la fin du monde ne s'estompe ainsi jamais vraiment, avec des sommets de tension comme « Carnival » et des moments plus amers comme « Busted And Blue » et « Sex Murder Party », mais Damon Albarn choisit néanmoins de terminer Humanz par « We Got The Power (Version 2:18:482) » un hymne à l'amour un brin naïf où on le voit se réconcilier avec son ancien rival Noel Gallagher. Pas la meilleure chanson, mais néanmoins un titre positif intimant une sorte de commandement pour retrouver des temps plus heureux.