"Il ne faut pas juger un livre à sa couverture", dit le proverbe anglais, mais pour le coup cette jaquette était de mauvais augure : mal équilibrée.
Tout dans Humanz est mal équilibré. Les intentions, les ambitions, les styles, les longueurs de titres. Même le mixage, et ça fait mal. Je me souviens de ma première écoute, au printemps, perché sur une échelle occupé à repeindre les murs, ce genre de contexte qui fait d'un album un beau souvenir, surtout un Gorillaz. Eh bien, non.
Humanz me fait penser à Random Access Memories. Ça manque pas d'ambition ni d'audace. Chez les casqués de l'électro comme chez les bonshommes animés, on veut raviver des genres perdus, disco de fond de tiroir pour les uns, house fanée pour les autres (Strobelite...). L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Après l'annonce tonitruante d'Ascension, on s'attend à du lourd, une belle accélération avant de décoller. Au lieu de ça on se prend le mur Strobelite. Sous-mixé, sous-produit, c'est un titre de face B fadasse qui a dû atterrir là par erreur. Passons.
On se paie ensuite les errances autotunées de Saturnz Barz : je me dis "putain c'est moche, mais... OK, Damon cherche à se renouveler". C'est sa force. Après tout, la limite est ténue entre "c'est de la merde" et "mon oreille à beaucoup à apprendre"...
Avec Momentz, le problème est le même : Damon s'enfonce un peu plus loin sur le chemin des genres et des sons ingrats. Ça pourrait passer, ça pourrait même être un coup de maître, s'il y avait un peu de cohérence, mais juste derrière Saturnz Barz je ne suis pas disposé à juger Momentz autrement que comme un gros étron saupoudré de génie.
Je n'ai encore rien eu de satisfaisant à me mettre sous la dent, et on me glisse déjà une interlude qui, au lieu de proposer un fil conducteur, déconstruit encore plus cet album déjà échevelé.
Avec Submission, c'est le coup de massue. Je suis redescendu de mon échelle pour m'apprêter à sauter les morceaux. Kelela, dont la voix est beaucoup trop en avant dans le mix, a réussi à détruire un instru sans intérêt, c'est une performance. On se demande ce que Danny Brown fout là, il devait y avoir de la bière.
Arrive le premier vrai bon Gorillaz de l'album avec Charger, un titre joyeusement irritant qui rappelle les faces B des premiers albums. Rien d'inoubliable, mais un peu de contenu. Est-ce le moment de placer un tube potentiel ?
Oui. Andromeda est une sorte de rallonge de l'interlude mélodique traditionnelle des singles de Gorillaz, mais sans les riffs, les beats et le groove auxquels on nous a habitués : c'est bien maigre.
Dans ce contexte, je ne suis pas prêt à me laisser emporter par Busted and Blue, j'ai encore trop faim.
Ce qui est triste, c'est que jusqu'ici, ce n'est que la partie agréable de l'album.
On nous sert ensuite une soupe tout juste bonne à servir au générique d'une série de seconde zone. Constructions répétitives et téléphonées, arrangements pauvres, et, je me répète, mixages amateurs. Je ne comprends toujours pas comment la voix d'Anthony Hamilton peut à ce point manger tout le spectre sonore. Peut-être parce que tout le monde s'était rendu compte que l'instru n'avait aucun intérêt ?
She's my collar est un bon petit moment, bien que sans surprises, qui fait du bien au milieu du néant musical de la seconde moitié d'album.
Les deux derniers morceaux ont probablement été rajoutés pour pallier au manque de contenu global de l'album et on aurait préféré s'en passer. D'ailleurs je ne suis pas sûr d'avoir réussi à écouter We got the power jusqu'au bout, malgré mes nombreuses tentatives échouées de réécouter l'album pour y trouver le génie que je n'y avais pas vu.