Beaucoup de gens pensent qu'il n'y a rien eu entre l'épuisant Pornography (1982) et l'étrange The Top (1984). En réalité, le groupe a sorti trois singles en 1983, après le départ de Simon Gallup. L'un de ces singles est également sorti en version maxi 45 tours avec 4 titres. Faites le total : nous voici en présence de 8 titres, tous plus ou moins tombés dans l'oubli. Pour le fan qui chercherait à les posséder, inutile de se payer les 7 pouces à un prix exhorbitant sur eBay, puisque la même année sortit Japanese Whispers, regroupant les 8 titres. Certains le considèrent comme un album studio à part entière car aucun morceau n'apparait sur un autre album, ce qui génère une contestation autour de l'appellation "compilation".
Après la terrassante noirceur des trois albums précédents, Robert Smith cherche à se relancer en expérimentant d'autres sonorités, d'autres styles. Et ça se ressent énormément. Le point positif c'est que le disque offre une relative variété entre les morceaux. Le point négatif, c'est qu'on a l'impression (pour certains titres) d'entendre des démos de morceaux pas toujours finis, de trucs pas super assumés qui reflètent l'état d'esprit du leader à l'époque : la fatigue, la tentative de repartir sur quelque chose d'autre que ce à quoi il nous avait habitué jusque-là.
Ainsi, on passe des claviers amusants de "Let's Go to Bed" au coldwave-esque "Just One Kiss" (sorte de version inférieure de "The Hanging Garden"), en passant par le piano désaccordé et cinglant de "Speak My Language", le tout avec une volonté de renouveau admirable. On saluera également "Lament" et "The Upstairs Room", qui occultent sans trop de problèmes le très décevant "The Walk", probablement le pire morceau du groupe (avec la désastreuse reprise de "Foxy Lady" sur leur premier album). Cependant, le gros chef-d'oeuvre de l'album reste "The Lovecats", aux accents jazzy irrésistibles et qui redonne toujours le sourire. D'ailleurs ce dernier restera le seul morceau sur ce Japanese Whispers que les gens connaissent un peu et le seul qui mérite vraiment d'être un single (parce que sérieux, "Let's Go to Bed" en face B à la limite ça passe, mais "The Walk"...) car il a vraiment le potentiel pop qu'on retrouvera sur The Head on the Door, par exemple.
"Visiting time is over", comme dirait l'autre (ceux qui auront écouté le disque comprendront), il est temps d'en arriver à une conclusion (cette amorce de malade putain, je suis fier de moi). Japanese Whispers est très inégal mais on ne peut pas le qualifier de "mauvais" ou "fade", juste un peu trop excentrique. On retiendra tout de même "The Lovecats", tube énorme qui clôt à merveille "l'album". On retrouvera cette excentricité sur The Top, avec un peu plus de sérieux et d'organisation, avant d'arriver aux choses sérieuses avec The Head on the Door. Mais n'allons pas trop vite.