Dire que le nouvel opus de SCH était attendu relève de l'euphémisme tant Julius Tome I fut un succès critique, et s'est transformé en espèce d'objet de fascination chez les fans de rap.
Rooftop, sorte de respiration entre les deux tomes avait pu contenter le plus grand nombre, via des banger plus qu'appréciables (Interlude, Cervelle notamment) mais le grand public réclamait le retour de Julius. Et ce d'autant que les nombreuses apparitions d'SCH en feat sur 2020 ont fait monter la pression. Sans parler de son couplet sur Bande Organisée qui l'a définitivement installé sur le trône des rappeurs fr les plus streamés.
C'est chose faite en ce 19 mars. On connaissait depuis un peu plus d'un mois Gibraltar - Marché Noir, accompagné d'un clip à l'inspiration toujours plus Gomorresque et qui nous replongeait dans l'ambiance mafieuse, sombre du premier tome. Véritable raz de marée sur les RS, Marché noir, pourtant plutôt simple avec 3 minutes de kickage pur était là pour nous rappeler au bon souvenir du cracheur de feu qu'est SCH. Puis, lundi dernier est venu sur COLORS, Loup Noir , titre assez fou ou cette fois-ci SCH nous a rappelé qu'il possède une plume toujours aussi affutée, à l'accent familial et poignante. Nous avions donc le début et la fin du projet à notre disposition, il ne nous restait plus qu'à découvrir la suite des aventures de Julius.
Première bonne nouvelle, on a le plaisir de retrouver le grand José Luccioni (voix d'Al Pacino française) pour des interludes toujours aussi puissantes et intégrées à la direction artistique du projet.
Gibraltar nous transporte dans ce voyage retour, le retour à la casa marseillaise du S après un exil forcé enchainé de Marché Noir déjà évoqué plus haut.
Sur Fournaises , Julien exprime sa technique toujours plus parfaite, l'impression donnée est celle d'un mec qui maîtrise absolument tout en termes de rap. L'autotune est parfaitement maitrisée et apparaît au bon moment dans le morceau, définitivement l'un des points forts du marseillais.
L'enchaînement avec Aluminium est bon, la pression ne retombe toujours pas, et ce n'est pas le morceau suivant qui va me contredire.
S/O le S depuis Gomorra comme le dit Freeze sur le très efficace Mannschaft, nous faisant remonter l'envie de voir également une suite à LMF. Les deux compères nous offrent un feat au sommet entre deux des artistes les plus iconiques du rap français de ces dernières années. L'efficacité allemande diront certains.
Grand bain est plus quelconque mais reste agréable à l'oreille. Sur Crack , SCH se challenge en termes de prods et c'est une réussite, SCH y est moins aérien mais plus sombre en termes de technique. La battue entretient le storytelling de l'album et débouche sur mon premier gros coup de coeur de l'album Zone à danger ou le S est plus mélodique que jamais.
Euro et Assoces marquent quelque peu le pas mais restent dans cette ambiance latine et mafieuse. Au contraire de Parano, piano voix qui amène de la diversité au projet puis de Corrida ou on retrouve le marseillais sur une ambiance oscillant entre nervosité de la diction et légèreté de la prod.
La transition Le Coup d'avance Raisons est ensuite d'une puissance assez folle, quasi jouissive et rappelle les sonorités et constructions des deux frères les plus connus du 91 dans leur série de clips propres à Dans la Légende.
C'est d'ailleurs sur Raisons que le marseillais se livre à un hommage aux femmes de sa vie, lesquelles ont tendance à lui fournir les meilleurs conseils qu'il ne suit évidemment pas (c'est un gangster hein mdr). Plus rien à se dire complète parfaitement Raisons avec une sonorité presque pop qui oriente la fin du tome II vers une conclusion plus aérienne et douce que le premier opus. Le feat avec Jul confirmant ce virage.
Mafia, son mélancolique qui me fait beaucoup penser à Je vis, je visser pour le côté sombre et cyclique du banditisme voué à finir avec les bleus à 6 du mat devant ta porte est également une franche réussite.
Enfin, sur l'Outro Loup Noir, SCH se livre à une introspection puissante, notamment sur la vacuité de sa quête infinie d'argent et sa propre incapacité à faire le deuil de la mort de son père.
Après plusieurs écoutes, Julius II apparaît moins conceptuel que le Tome I, plus méditerranéen également comme expliqué par l'artiste dans son Interview donnée au Code sorti cette semaine. Pour autant, le projet, bien que moins structuré n'en demeure pas moins cohérent et toujours aussi cinématographique. On se surprends toujours à avoir des images quand on écoute SCH. On se voit en mafieux italien au bord d'une piscine à compter la kichta, on se voit entouré d'une immense tablée de mecs en costards, armés jusqu'au cou. On s'imagine sur une île après avoir réussi le braquo du siècle, on s'évade dans l'imaginaire torturé du S qui se confond de plus en plus avec son personnage.
SCH annonce ainsi depuis le Tome I connaître la fin de sa trilogie, on n'en doute pas tant la construction de Julius paraît logique et permet de couvrir l'ensemble des thématiques inhérentes à la vie de son alter ego (de l'argent, aux regrets, au respect, la quête sans fin du repos qui n'existe pas dans l'univers mafieux). Incroyable run depuis A7 avec 6 albums , peu de déchets et une flanquée de featuring brillants, la carrière d'SCH semble être analogiquement le parfait reflet du personnage Julius, une lente mais irrésistible ascension vers le trône.