Darc comme dark ? Oui, forcément. Et quand on a été au fond du trou comme Daniel Darc l’a été, même ressuscité il ne fallait pas changer de nom. Sombre et lumineux, La Taille de mon Âme ne va pas altérer cette image d’ange déchu. Ce nouvel album va même plus loin : les masques tombent et laissent apparaître, en off, la voix d’un homme qui s’abandonne, se livre totalement. Entre déchéance et grâce.
Cette voix, c’est une voix brisée par les abus, la solitude aussi certainement. Une voix qui vient de renaître surtout (Crêve-Cœur, son grand retour, date de 2004 seulement), après des années de calvaire. Une voix qui prend aux tripes enfin, parce qu’elle sent le vécu de poissard. Daniel Darc ne chante pas, il parle avec son cœur et sur ce plan-là il est proprement inégalable. Les variations et autres interludes du disque sont bouleversants parce qu’ils laissent parler un Darc en roue libre, décomplexé (alors que l’on sait l’homme timide), un Darc qui nous fait rire, pleurer, nous émeut par le timbre de sa voix, son phrasé hésitant, tremblant parfois.
Du côté de la musique, Frédéric Lo, grand acteur de la résurrection du chanteur, a laissé la place à un véritable mercenaire, le dénommé Laurent Marimbert. Responsable de certains titres des 2be3 et de Nolwenn Leroy, entre autres, on avait tout à craindre d’une telle association entre un homme qui se donne tout nu et un autre qui n’hésite pas à vendre ses talents auprès d’interprètes falots. Pourtant, dans ces compositions il y a la matière à laisser parler les états d’âme du « seul garçon sur terre » (c’est ainsi que Darc se définissait dans son album Sous Influence Divine). Elégiaques (« Ira », « Ana »), rock («My Baby Left Me », « Quelqu’un qui n’a pas Besoin de Moi »), désabusées (« C’était Mieux Avant »), tout simplement belles, les mélodies de Marimbert sont l’accent circonflexe sur le A de l’âme de Darc, son supplément. La Taille de mon Âme c’est finalement la rencontre de deux êtres qui ont su faire oublier leur passé douteux en sortant le meilleur d’eux-mêmes, une forme de sincérité, de simplicité sublime.
Dans Amours Suprêmes (2008), Daniel Darc affirmait : « J’irai au paradis ». Aujourd’hui, à genoux dans une église, le bras sur une valise, il n’en semble plus si sûr… On va le rassurer, avec ce disque là, il est au moins sûr d’avoir sa place dans l’Eden de la chanson française, où reposent d’autres monstres sacrés.