Le Klub des Loosers est un phénomène très bizarre. Outre des petits disques, des instrumentaux et des participations annexes, c'est surtout deux albums. Deux albums absolument différents : Vive la Vie, qui offre une image très malsaine de l'univers, avec un flow à rallonge et une ambiance malodorante tandis que La Fin de l'Espèce propose quelque chose de beaucoup plus propre, plus accessible, mais avec un nihilisme mature et une volonté de faire passer son message : le cynisme et l'entropie comme nouvelles religions.
J'ai découvert Fuzati avec Vive la Vie, je l'ai adoré et j'ai tout autant adoré le changement fort de la Fin. Les deux albums très différents sont en même temps dotés d'une patte commune qui se sent directement.
Le Chat et autres Histoires est le troisième vrai album rap du Klub. Ce n'est pas la fameuse fin de la trilogie adolescence-adulte-vieillesse qui était jusque là en place. Et très honnêtement je pensais que c'était tant mieux. En effet, trop adulte pour être adolescent, je ne le voyais pas pourtant encore assez mature pour traiter de la vieillesse. Le refus de paternité avait été bien exploité dans le second album et je souhaitais sincèrement que cet album soit une sorte de pause dans l'évolution.
J'espérais quand même du changement, on ne va pas se le cacher. J'espérais même un peu qu'on détruise tout, que le flow devienne aussi différent avec ce nouvel album qu'il l'avait été avec la Fin de l'Espèce. Ce ne fut pas le cas, un petit défaut, mais on fait avec.
Le réel problème du disque est son vide. L'album perd en créativité musicale, artistique et en écriture. Le disque est réellement très creux. Fuzati, en terme d'écriture, s'autorise des moments très simples, des phrases sans force, lui qui, auparavant calibrer tout. Les textes du Klub étaient connus pour leur excellence et leur recherche de la première à la dernière ligne. Là il n'est pas rare d'enchaîner quelques mesures sans génie, de manière banale, comme pour combler. Les thèmes eux-mêmes sont très pauvres, tombant dans la banalité et peinant à se réinventer au fur à mesure de l'album. Les morceaux eux-mêmes peinent à garder une cohérence du début à la fin. Sans aucun doute le pire travail de l'auteur.
Musicalement c'est un album horrible. On pourrait s'attendre qu'avoir de réels musiciens amènerait une créativité nouvelle. Au contraire on a quelques chose de très smooth, pas vraiment recherché, une batterie qui se limite et ne veut pas gagner en vie. Un peu comme tout l'instrumental qui refuse toute force vital tout le long du disque. Aucune énergie, aucune recherche et quasiment aucun groove. Une tristesse infinie pour une bande-son digne d'un ascenseur. Bref, l'album est quasiment sans aucun intérêt tout le temps sur le plan musical.
On s'arrêtera sur les nombreux refrains avec des voix plus ou moins synthétiques et souvent chantées en anglais avec une originalité digne d'une émission de télé-crochet. Cassez-vous, Fuzati est mort, brulez le, ce personnage devient ridicule et propose tout ce qu'il aurait jadis refusé !
Pour autant, afin de ne pas finir ma critique trop vite, je vous propose un rapide avis sur chaque chanson.
Préface ouvre l'album en commentant le décalage entre un auteur et le personnage qu'il se crée, le tout avec beaucoup de renvoie à l'image de Fuzati mais aussi aux personnes qui s'inspirent de lui, finalement. Si l'idée est intéressante, on peut regretter (comme souvent dans le disque) une faiblesse d'écriture.
Acétone est quelque chose de très vide. Refrain sans force, paroles qui sont vaguement nihilistes mais avec beaucoup moins de forces que les albums passés. L'on sent une réelle volonté de groove à la basse/batterie mais il faudrait oser davantage messieurs !
Fantômes, pour sa part, est un des rares titres à proposer un contenu vraiment recherché. Si musicalement ça reste faible, on a bien sûr le droit à un vrai travail de fond. Le récit porte sur l'amitié artificielle unissant des enfants mal-aimés et exclus des autres bandes. Une amitié forcée qu'ils seront heureux d'arrêter. Une vraie bonne idée qui montre que le Klub peut proposer un contenu inspiré.
Sport d'Hiver est le premier morceau de l'album qui tombe dans la totale médiocrité sonore avec notamment ses horribles refrains. Sinon le titre critique les auteurs qui veulent la célébrité et ne parviennent pas à écrire réellement des choses bien, le tout avec pas mal de sous-entendues sur la drogue et spécifiquement la cocaïne.
A l'opposé, Le Poing Américain propose une instru pas mal du tout, assez surprenant sur cet album. Là encore le thème est précis, unifié et potentiellement intéressant : une critique de l'américanisme. Le problème est que Fuzati tombe dans un ensemble d'énormes préjugés et de facilités sans intérêt. Une critique souvent faible, basée sur une colère factice plutôt que sur une réflexion réelle. Complotiste et regard nombriliste sont au programme. On rigolera un bon coup de voir que Fuzati a mis plusieurs refrains de son album en anglais mais critique l'impérialisme américain … Je vous promets que si l'anglais est si présent en France, ce n'est pas à cause de nos amis d'Outre-Manche.
Le Bouquet a un sujet intéressant, malgré l'énorme faiblesse instrumentale c'est un morceau avec un regard très conscient sur la société, ce côté d'amour qui se refuse devant la réalité de la vie est une sorte de fusion parfaite entre l'amoureux de Vive la Vie et le refus de conformité de la Fin de l'Espèce. Un morceau très sympathique.
Feuilles Volantes nous montre un flow digne de Skyrock par moment. Là encore la musique est peu captivante. Les paroles se limitent à une pointe de cynisme et on a le droit à un de ses refrains pop sans intérêt avec les voix trafiquées. Passez votre chemin.
Deux Clowns a de très bonnes idées mais la comparaison sonne artificielle. Pourtant l'écriture introspective est réussie. D'une part un Clown dans un hôpital pour enfant en phase terminale et d'autre part un chanteur de variété tentant de vivre de sa musique. Chaque partie aurait mérité un titre entier. Mais l'idée est inspirée et pas mauvais pour autant.
Le Chat est un morceau finalement anecdotique, basé sur une comparaison facile entre un chat et une esclave sexuelle le titre est finalement un peu superficielle et tient d'une recherche sexuelle qu'on sait être en-dessous de ce que peut faire Fuzati. Il a pourtant travaillé sur l'écriture et ça se sent. On évite donc l'échec possible grâce au travail qui rend le morceau sympathique mais sans plus.
Cosmonaute a encore une fois un refrain pourri (au cas où je vous rassure, le reste de la musique aussi) et les paroles sont sans inspiration sur une idée de cynisme de l'espace. Les amis de Gravité Zéro doivent avoir honte.
Générique se rapproche de la fin du disque (une délivrance ? Pourtant l'album s'écoute rapidement, il faut le dire). Il offre quelques punchline mais n'est pas vraiment inspiré. Enfin on a là encore les refrains qui nous interroge sur l'aspect anticonformiste de Fuzati.
Enfin Neuf moins Huit cloture le disque avec, étonnement, une légère amélioration musicale. Bon, on ne va pas se mentir : on garde le problème du refrain, ici particulièrement pop et faible. On se demande si le Klub ne tente pas à faire du largement sous-Gorillaz pour le coup. Cependant, cette fin n'est pas mal du tout. Le morceau est composé de punchlines qui viennent de différentes personnes normales. Comme si Fuzati voulait dire que l'art de la punchline est quelque chose de banal, qu'on peut tous avoir, de même que le cynisme. Il n'est pas pire que nous, tous nous pouvons nous mettre à voir la vie en noir. Mais pour la majorité des gens ça ne dure pas. Un peu comme la qualité de ce nouvel album.
Bref, vous l'aurez senti. L'album est très médiocre en terme de qualité musicale, fortement décevant en plus vu l'arrivé de vrais musiciens. Les paroles sentent souvent le réchauffées, mais parfois on a quelques bons moments, globalement plusieurs titres sont carrément loupés du début à la fin. Bref, la qualité est l'exception sur cet album malgré de réels bons moments. Tout n'est pas à jeter, mais en tant qu'album, il faut le dire, le Klub perd sa gloire passée.