L'habitude de l'exception.
Pour ce nouvel album, Gojira a le vent en poupe. S'il était un groupe confidentiel au début des années 2000, les Basques ont pris de la puissance au fur et à mesure de la décennie. Le groupe nous avait promis un Gojira plus mélodique, plus mature, pour ce nouvel album et la toute récente tombée du groupe français dans l'escarcelle de l'écurie Roadrunner.
Le changement de label du groupe français peut effrayer les supporters les plus rigides du groupe. Catégorie de fans dont je fais partie. Allait-on voir Gojira s'américaniser au détriment de la musique si particulière de ce groupe qui fait la fierté du metal français (et européen)? Dans les interviews, on lisait que Gojira nous promettait de ne pas tant changer. D'avoir eu une grande liberté de création. Mais aujourd'hui cet "Enfant Sauvage" est passé sur la platine, et il est temps d'en dresser un portrait.
D'abord, l'emballage. Je peux comprendre que c'est un élément assez facultatif pour l'immense majorité des gens, mais la différence entre le packaging de "The Way Of All Flesh" et celui de ce présent "L'Enfant Sauvage" m'a plutôt étonné. L'artwork me semble un peu moins réussi que celui de "The Way Of All Flesh", et si le précédent opus était doté d'un sympathique pack cartonné, avec un livret bien fourni, ici, on a affaire à un livret assez rachitique de six pages avec une pauvre photo. Les textes de groupes ont d'ailleurs été imprimés sans aller à la ligne en fin de vers, un moyen un peu triste de gagner de la place. Mine de rien, on se sent un peu moins dorloté, l'objet en main.
Mais passons à l'essentiel, la musique en elle même.
Au premières écoutes, je dois avouer avoir ressenti une petite deception. Ce sentiment a un peu diminué au fil des écoutes, mais je m'explique.
Gojira nous avait promis d'être plus mature, c'est effectivement le cas. La musique du groupe est dorénavant une mécanique bien huilée, et le groupe sait très bien où il va. L'album démarre sur les chapeaux de roues avec un doublé "Explosia" et "L'Enfant Sauvage" qui donnent le sourire à l'auditeur. À ce titre, le morceau titre est de loin le meilleur de la galette, selon moi. Un morceau équilibré entre les rythmiques chères au groupe et des passages atmosphériques bourrés d'ambiances. Un des rares morceaux de la galette qui apporte une réelle nouveauté au son du groupe tout en gardant la capacité d'aisément rivaliser avec les classiques de Gojira.
Mais que reste-t-il après ce début d"album? Et bien pour la première fois de son histoire, Gojira donne l'impression de se répéter. "The Axe" et "Liquid Fire" ont quelques points communs gênants. À ce titre, le refrain au vocoder de "Liquid Fire" tombe un peu à plat.
En progressant, on rencontre un "The Wild Healer" qui fera office de surprise par son côté joyeux en printanier. Un interlude surprenant et agréable. "Planned Obsolescence" est malheureusement un morceau un peu faible qui passera inaperçu, malgré un thème interessant.
"Mouth Of Kala" rapellera aux auditeurs très attentifs le morceau "Architects Of New Beginnings" du groupe finlandais Ghost Brigade. "The Gift Of Guilt" renoue avec le meilleur de groupe, avec un morceau plein d'atmosphère, de lourdeur, et un souffle tragique qui fait grand plaisir à entendre. Après ce morceau bien né, survient un "Pain Is A Master" au titre un peu stéréotypé, pas inintéressant, mais une nouvelle fois, assez discret. "Born In Winter" rappellera malheureusement bien trop le "From Mars" de "From Mars To Sirius", un morceau bien trop similaire. "The Fall" clôture l'album avec une certaine classe, un morceau plutôt riche en ambiances.
Au final, un album qui saura conquérir de nouveaux fans, Gojira s'ouvre ici plus à la mélodie, en laissant un peu tomber les rythmiques sèches et rugueuses des premiers albums. Gojira crie moins, et chante plus. Une orientation qui pourra déplaire aux fans les plus acharnés du groupe. Gojira perd ici un peu de son côté brut, humain. Aussi, pour la première fois de son histoire, le groupe donne la sensation de se répéter. La sempiternelle question reste donc toujours en suspens: Gojira réussira-t-il à se surpasser? Pour moi, le monstrueux From Mars To Sirius garde encore de la marge. Cependant, malgré ce constat qui peut sembler en dissonance avec la note, "L'Enfant Sauvage" sait parfois frapper fort. Et Gojira reste encore et toujours le fer de lance du metal français. Comme toujours, Gojira est son pire ennemi.