Homme twisted melancholia
J'ai toujours eu du mal à comprendre ceux qui parviennent à pondre une critique de disque quelques heures, voir quelques jours après leur sortie. Un album, c'est comme un ragoût, un poulet arachide ou un chili. On prépare ça un jour et on déguste plus tard.
Normalement constitué, il faut passer plusieurs étapes avant d'être capable de donner un avis. La phase découverte. La phase "en boucle". La phase "on laisse reposer". La phase "on y regoûte après avoir un peu oublié" pour pleinement explorer les saveurs cachées sans le filtre occultant des deux premières étapes. Souvent, on se laisse alors emporter par un aspect totalement ignoré jusqu'alors.
Enfin, pour les grands disques.
C'est pourtant ce que je m'apprête à faire. Critiquer à chaud.
Parce que …like clockwork regorge de qualités si évidentes qu'on peut déjà, après quatre ou cinq jours d'écoute intensive (phase 2) avoir un avis assez net.
Rappeler que Josh Homme est un des types les plus passionnants de ce 21eme siècle tient de l'enfonçage de portes béantes. Se montrer absolument captivé par chacun de ses nouveaux projets est une évidence.
Quand on est, comme je le suis, désormais repoussé par tous les styles se prêtant aux impros longues et fastidieuses, épidermiquement ennuyé par les les groupes qui jouent sur des ambiances appuyées sur une répétitivité masquant mal un manque flagrant d'idée (la même remarque pouvant s'appliquer à de nombreux genres musicaux en vogue), l'amoureux transit que je suis d'artistes à idées, à compos concises racontant quelque chose en moins de dix minutes (et pourquoi pas pêchues) se trouve souvent seul, perdu, orphelin au coeur d'une production tendues par la volonté absolue de ne rien inventer.
L'aspect que je préfère chez QOTSA est cette espèce de mélancolie tordue qui émane de ses titres les plus calmes, ce qui fait que "Lullabies to paralyse" est mon album préféré du groupe.
Si ce nouvel album marque une nette différence avec ce dernier, le sentiment sus-décrit plane de manière diffuse sur presque l'ensemble des titres. Et ce qui, à mon goût, en fait immédiatement un moment fort de la carrière du groupe. Les fans des trois premiers albums en seront peut-être pour leur frais mais ce serait de toutes façons bien mal comprendre le bon Homme que de vouloir le cloisonner dans un moment particulier de sa carrière.
Bien sûr, on pourra trouver dans le disque, avec une oreille orientée, des relents de Kyuss, des desert sessions, des EODM ou de Them Crooked Vultures. Comme si un cerveau pouvait se compartimenter de manière parfaitement étanche, et Josh de choisir le disque dur adapté à chaque nouvelle compo. La bonne blague.
Tous ces reproches facilement écartés, l'écoute de …like clockwork vous plonge dans une torpeur de mélancolie violente incomparable qu'il serait serait criminel d'ignorer.
Les multiples collaborations (Elton John, sa femme Brody Dalle, Trent Reznor, Alex Turner, Mark Lanegan) constituent un formidable trompe-l'oeil face à la remarquable cohésion de l'ensemble. Peut-être un petite déception (en tant que batteur) quant à celle de Dave Grohl, qui reste étonnamment sobre (je ne parle pas de la technique, mais bien des idées) derrière ses fûts.
La pierre angulaire du disque, qui révèle son identité profonde, est bien entendu "I appear Missing" (attention, la version vidéo du site officiel est une version tronquée) véritable quintessence de l'inclinaison artistique d'un Josh Homme qui, au milieu de ses 500 projets, expose avec insolence sa pleine maturité et n'aura jamais aussi bien défini sa réelle différence que dans ce disque dense, cohérent et habité.
Alors OK, je reviendrai sans doute dans quelques semaines pour voir ce qu'il en est de ce nouvel album de QOTSA. Mais je suis à peu près sûr que ce ne sera que pour en augmenter l'appréciation.
Je prends les paris.