J'ai attendu cet album avec impatience, j'ai pris du temps pour essayer de l'apprivoiser, et avec ce recul désormais je crois que je l'aime beaucoup. Très riche musicalement, avec des sonorités inhabituelles pour le grand rouquin, une voix de tête très présente mais pas forcément désagréable, des moments étonnamment calmes, QOTSA s'est mis dans une position moins confortable et on ne pourra pas leur reprocher d'avoir cherché à faire autre chose que ce qu'ils savaient faire.
Cela dit l'album m'a pas mal déçu de prime abord et j'ai un gros reproche à lui faire. La promotion précédant la sortie de ...Like Clockwork laisse un goût amer. Josh Homme avait bien préparé le terrain pour que sa nouvelle galette fasse un carton d'entrée de jeu : un jour on annonce le retour de Dave Grohl aux fûts, ensuite d'autres éléments sont parsemés comme la participation de Mark Lanegan, vient le single My God is the Sun, "stoné" à l'ancienne et, comble du bonheur, citant le mot magique "desert". La cerise avant le gâteau, je vous le dis.
Tous les éléments ou presque laissaient sous-entendre qu'on aurait un revival de la dream team de Songs for the deaf. Je vais pas dire que j'ai cru à un volume 2 de l'album rouge mais tout ce remue-ménage me faisait bien plaisir tout de même.
Eh bien tout ça c'était du flan, parce que ces belles collaborations vont finalement se révéler largement - très largement - mises au placard. Dave Grohl a peu de place pour s'exprimer, il ne sortira vraiment ses bras tatoués que sur My God is the Sun. Nick Oliveri apparait sur le papier, et uniquement sur le papier pour ainsi dire.
Guère mieux pour Mark Lanegan, dont la voix n'a pourtant jamais été aussi riche grâce à ses cordes vocales passées à la ponceuse à bande au grain 40 (cf. Blues Funeral). Comme Oliveri, il est littéralement avalé par une foule de backing vocals sur If I had a Tail. C'est un peu comme cuisiner un coq au vin avec du Romanée-Conti : un beau gâchis... Seul Sir Elton John sort un peu du lot, même si sa partie de piano sur Fairweather Friends est bien écrasée par le reste...
Enfin bon, ne soyons pas trop naïfs. Depuis longtemps Queens of the stone age est le groupe d'un seul Homme, et il ne l'a jamais aussi clairement fait entendre. Josh t'a fait miroiter des choses, c'est un méchant garçon qui s'est moqué de toi. Mais tu sais, après être mort pendant quelques secondes sur le billard pendant une intervention chirurgicale bénigne, Josh s'en fout de ce que tu penses. Il est vivant et il fait ce qui lui plait maintenant.
C'est sur cette résurrection que l'album se construit, que le rouquin semble se reconstruire. On y trouve les peurs, les doutes, la solitude, les résolutions, les interrogations d'un mec cloué sur un lit d'hôpital pendant des mois de rétablissement. Josh Homme parsème les signes sur les dix pistes de l'album, traduisant une certaine nostalgie de sa vie d'avant sa mort tout en fonçant tête baissée, droit devant.
Kalopsia résume un peu tout ça : d'après plusieurs sources, la chanson s'adresse à sa fille. Elle parle d'avenir et de rédemption dans des couplets moelleux sur fond de bruit de respirateur, et sur les machines de Trent Reznor qui ne sont pas sans rappeler des battements de cœur.
I appear missing accumule les images d'entre deux mondes. En l'écoutant on peut imaginer aisément le rouquin "sortir de son corps", flotter au-dessus de la table d'opération, voyant des médecins tenter de le ranimer... Après les interruptions de la rythmique, les contrastes de volume sont autant d'électrochocs à une musique aérienne qui semble parfois lâcher prise.
Au milieu de l'album, My God is the Sun suit une montée d'adrénaline, précède une deuxième moitié plus intime, et rappelle inévitablement l'album rouge. Un clin d’œil pour les fidèles de la première heure, un regard sur une carrière déjà incroyable pour un musicien de 40 ans, un nouvel hommage à ce bon vieux désert incontournable... Comme si on se faisait un dernier plaisir avant de se renouveler, de faire table rase.
En dehors de l'aspect purement musical, ...Like Clockwork se différencie sur d'autres points. Jusque là Homme nous avait habitués à une forme d'humour très particulière, une sorte d'ironie omni-présente, depuis les débuts de QOTSA. Par les sujets qu'il traite et suite aux conditions dans lesquelles il a été écrit, ce disque ressort extrêmement sérieux par rapport aux précédents.
L'importance du travail graphique est également une nouveauté pour QOTSA. Sur ce coup le CD est avare, on oriente volontairement le public vers le grand format de l'édition vinyle (que je zieuterai avidement quand l'occasion se présentera) qui comprend moult illustrations en livret. Une série de vidéos d'animation est également développée sur l'univers créé par Boneface : monstres, vampires, zombies... autant de personnages s'entretuant ou maltraités par des puissances qui les dépassent...
Oui, plus j'y pense, et plus je me dis que cet album de QOTSA pourrait bien être le dernier. Je regrette qu'il ait utilisé les ficelles des invités pour faire sa promo, car il n'en avait absolument pas besoin : c'est un excellent album. Mais suite à des moments qui semblaient très difficiles, Josh Homme voulait probablement s'entourer de proches, qu'il a malgré lui écrasé par sa présence et son histoire peu banale.
Peut-être un tremplin vers une future carrière en solo...