Je ne vous apprends rien si je vous dis que Saez ne fait pas l’unanimité. Beaucoup lui reproche sa voix nasillarde et ses intonations trop tire-larmes ou trouve simplement ses textes puérils et déprimants. Sans vouloir contredire tout cela (qui relève grandement de la subjectivité et la sensibilité de chacun) je pense que derrière tout cela il y a aussi une certaine méconnaissance de l’artiste. Et pour cause, en réalité Saez est un auteur assez schizophrène, tantôt intellectuel révolutionnaire, tantôt politicien de comptoir, tantôt poète sentimentale et féministe, tantôt vieux con aigris et misogyne, tantôt larmoyant suicidaire, tantôt plein d’espoir, tantôt humaniste, tantôt misanthrope… Si cet artiste me fascine, tant pour la beauté de sa plume et l’émotion de ses textes que pour la sincérité que je ressens dans sa voix, je vous le dis sans détour, il m’arrive à moi aussi de le trouver particulièrement détestable et inaudible.
Vous l’aurez compris Saez c’est un peu tout ou rien et c’est pourquoi je voulais écrire cette critique, pour tous ceux qui ne connaissent finalement que les célèbres « Jeune & Con » et « Fils de France » (qu’il a écrit je le rappelle avant son premier quart de siècle, dans sa période idéaliste) et se sont arrêté là. A ces gens resté bloqué sous les « Soleils 2000 », je voudrais dire que oui, Saez a tout de même bien mûri entre temps (bien qu’il ait gardé ses hauts et ses bas mais nous y reviendrons) et cet album en est la preuve.
Messina c’est un peu l’apogée de sa carrière, l’artiste avait déjà entamé sa maturité avec l’album « Paris » (accompagné des 2 étrons que son Varsovie et l’Alhambra dont je ne retiendrais que la piste « Quand on perd son amour »). Confirmé ensuite avec le sulfureux « J’accuse » qui était déjà une franche réussite, Saez réitère donc une nouvelle fois avec ce merveilleux triple album qu’est Messina. Miami suivra ce dernier en gardant l’esprit rock mais pas la profondeur des textes malheureusement. L’oiseau liberté viendra ensuite, essentiellement pour répondre au climat terroriste qui a frappé la France de 2015 à 2017. Sans être transcendant l’album restait correct avec des pistes tout de même très touchante (notamment « Les enfants paradis » qui a buzzé récemment grâce à une fille qui l’a chanté à The Voice), c’était un bel hommage et surement un pansement nécessaire à certains…
Après ça, il est parti en vrille totale dans une espèce de vendetta contre les technologies et les réseaux sociaux tout en faisant sa promotion sur ces espaces publiques. Avec des textes de plus en plus ridicules et haineux il n’est devenu qu’une caricature de lui-même, retombant dans ses travers d’adolescent. Je retiendrais tout de même 2,3 pistes d’exception comme « Notre-Dame Mélancolie » que le hasard a malheureusement rendu d’actualité cette semaine ou « Peuple Manifestant » que j’aime bien également. Pour le reste c’est assez pitoyable… Je déteste ces pseudo-journalistes de Konbini mais là je dois avouer qu’ils ont plutôt bien résumé la chose alors je vous mets le lien :
https://www.konbini.com/fr/musique/jai-ecoute-le-nouvel-album-de-saez-et-jai-vomi-mon-kebab/
Cependant il semble avoir compris son erreur et admis sa perte d'inspiration puisqu'il a annoncé faire un dernier album (encore en attente) nommé "à Dieu". Sera-t-il réellement le dernier, je l'ignore mais c'est ce que semble confirmer ce premier extrait qui est une lettre d'adieu à son publique...
Bref, revenons à nos moutons (expression cocasse pour parler d’un artiste engagé). Messina donc c’est un peu comme un recueil de poésie, avec un champ lexicale récurant dont il serait à mon sens dommage de reprocher la répétitivité, c’est plus un parti pris, comme un thème. Le tout est mis en scène comme un opéra musicale avec de grandes envolées lyriques, le meilleur exemple est surement la sublime « Aux encres des amours ». Ce qui n’empêche pas cependant d’y retrouver des pistes bien Rock’n’Roll comme « Betty » ou a contrario des pistes plus posées et calmes comme « Les fils d’Artaud ».
Pour faire simple l’album est assez représentatif de tout ce que l’artiste peut offrir de mieux, on a la politique de désespéré dans une ouverture tout en douceur « Fin des mondes », les chansons déprimantes « Les Meurtrières », la mélancolie « Les bals des lycées », les déclarations très personnelles « Châtillon-sur-Seine » (pour l’anecdote je l’ai vue en concert chialer sur cette chanson c’était un moment assez fort), les hommages à ses pères spirituels qui frôlent le plagiat « Marie » (clairement du Jacques Brel), tout ça pour finir sur une touche plus positive et pleine d’espoir « Rois demain ».
Pour conclure je dirais que Saez a eu, comme tout artiste, ses moments de fulgurance, et cet album est le sien. Finalement, puéril ou pas cela m’importe peu, je n’ai pas de honte à apprécier ses chansons car elles expriment avec justesse les sentiments et les idées que je n’ai pas le talent ni l’intelligence de pouvoir exprimer par moi-même. N’est-ce pas là tout ce que l’on demande à la musique, qu’elle serve d’exutoire !? Cet album me fait pleurer et extériorise ma colère, il me rend gai et nostalgique autant qu’il me fait souffrir (en bien), et ce même après la centième écoute. Même si je n’ai pas forcément eu un vécu similaire au sien (je sais assez peu de choses sur l’homme en réalité) je me reconnais dans ses textes, en un mot Saez est ma catharsis.