Avec Mouhammad Alix, Kery James a tout niqué. Avant la sortie, il te sort trois gros sons qui résonnent déjà comme des classiques : Vivre ou mourir ensemble, Musique Nègre & Racailles. Le premier étant une remarquable ode à la paix, une prise de conscience fort bien construite, sur laquelle même ton oncle raciste dirait «c'est magnifique» alors qu'il n'a pas capté la subtilité de l'appel à l'aide contre l'extrême. Extrême qui peut aussi bien islamiste que son cher nationalisme. Ici tout le monde prend ce qu'il à prendre, sans parti pris, si ce n'est celui de l'humain.
Mémoire et aigreur, désir de justice et fureur
Tirent sur la foule des balles aussi aveugles que leur cœur
Plongés dans l'excès, noyés dans la vanité
Les plus ignorants se croient l'élite de l'humanité
Les folies de la colère, nous révèlent à nous-même
On n'sait c'que l'on tolère, qu'une fois face à l'extrême
Un seul tonnerre de violence, assourdit nos beaux discours
Et nous v'là prêt à jeter la France dans la guerre civile d'Eric Zemmour
C'est le jeu de la division, du commerce, de la terreur
Comment faire sombrer la Nation dans la déraison puis l'horreur
Des chefs d'orchestres sordides, instrumentalisent nos peines
De piètres cupides qui détestent plus qu'ils n'aiment
Pour ce qui est de la seconde bombe musicale, il s'agit d'une réponse au candidat présidentielle de 2017 Henry de Lesquen, qui discrédite le rap en le qualifiant de Musique Nègre. Si cette collaboration entre trois «grands lyricistes» révèle un morceau pas si bien écrit qu'on le dit, il apporte un des messages les plus forts, les plus percutants de l'album, comme une vengeance qui rend au rap insolent ses lettres de noblesses.
Et enfin, il y a Racailles qui commence par une parole du petit Nicolas, qui va décidément rester dans l'histoire : «Vous en avez assez, hein ? Vous en avez assez de cette bande de racailles. On va vous en débarrasser». Si cette phrase a fait mal à toute personne concernée, Kery James la rebalance pour enchaîner la classe politique avec ses quatre vérités et ses trois couplets dans la gueule. Couplets aussi bien maîtrisés que percutants pour un hymne à la révolution, au changement.
Avec Mouhammad Alix, Kery James a tout niqué. La hype est au maximum pour le jour de sa sortie, tout le monde l'attend vu les missiles en amuse-gueule et les ventes suivent (à son échelle). Il propose un rap conscient, il défonce tout, et gagne un match malgré le suicide commercial et sa prise de position de puriste de rap français. Il nique tout avec un fond au-dessus du game et une forme qui baigne dans la modernité, avec des instru' trap qui tabassent et qui collent bien à son flow adapté à l'occasion, qui suit assez bien malgré quelques difficultés parfois. La plus grande réussite étant le premier morceau, éponyme, sorti 6 mois avant l'album, qui déboîte pour du Kery.
30 Septembre 2016 : l'album sort.
Et à côté de ça ? De la merde. Un vrai décalage avec ses valeurs est présent. Kery James crache sur Skyrock et fait ensuite des morceaux calibrés pour, où il se fait enculer par toute l'équipe de la radio "première sur le rap" à la queue-leuleu sur les douze autres morceaux de l'album, avec en bonus Kaaris qui lui met son gros doigt de pied. Le message est perdu dans un océan de clichés de faux rap conscient.
Ils font pas du rap conscient, ils racontent le JT
Kery James ne dénonce plus mais raconte des banalités sur une fausse victimisation via une plume paresseuse à travers des lines et phases dépassées, sans imagination si ce n'est celle du remplissage sans le moindre fond ou la moindre réelle conviction. Et au point où il en est, il invite des meufs et homosexuels sans doute très sympathiques pour des refrains de grosses putes qui puent la merde. Avec Mouhammad Alix, Kery James laisse présager le meilleur dans son combat, en nous vendant du rêve, du réel, sa vérité, il donne tout. Et une fois vendu il ne laisse, fatigué, que des rounds où il subit le calibrage r'n'b. Il n'y a pas à dire, c'est beau l'ombre du show business.
Kery James a tout niqué.