Si vous voulez trouver Gene Clark dans un dictionnaire du rock’n’roll, faudra en trouver un un tout petit peu épais. Et s’il contient des catégories, vous devrez vous rendre dans la partie loser, sous-groupe magnifique.
Le type a commencé à prendre la lumière avec les Byrds, pour lesquels il a pondu deux ou trois trucs comme Eight miles high.
Sitôt le premiers album des Oyseaux en bac, il quitte le groupe et part, avec une jolie Ferrari violette en guise de souvenirs, vivre sa propre grande vie.
Sa carrière solo, éminemment respectée par le milieu, passe parfaitement inaperçue du grand public. D’autant que le musicos n’a pas tant d’amis que ça.
Quand David Geffen décide de créer son label haut de gamme pour artistes classes, en 72, il pense à Gene, dont la classe avait inondé le premier Byrds. Sa deuxième idée est moins brillante: il laisse carte blanche à Clark pour qu’il fasse l’album de ses rêves. Fallait pas lui en promettre: Gene mettra près de 8 mois avec une ribambelle de musiciens sélects et 100.000 dollars pour produire ce No Other mélancolique et dépressif, qui ne vendra même pas 10.000 copies.
C’était l’heure de gloire ratée de Gene, la suite et la fin consisteront en une série de défaites et de beuveries, et le pauvre finira de la jolie crise cardiaque du poivrot invétéré, à 46 ans.
Malgré une des plus laides pochettes de toute l'histoire de la musique pop, le disque vaut pourtant son petit millier d’écoutes.
Une chanson, par exemple, donne une bonne idée de son aspect malicieux et étonnant. The true One démarre sur des bases solidement établies, et pourrait vous faire dire, le temps de ses deux premiers couplets, si vous les entendiez en entrant dans un bar américain empli de rednecks "merde, encore de cette country comme il en existe au kilomètre". Oui, mais voilà. Arrive un refrain qui soudain soulève l’ensemble en des volutes insoupçonnables et éthérées, vous propulsant vers les hauteurs avec la soudaineté inflammatoire de l’éthanol.
L’essentiel est bien entendu à trouver dans l’enchainement prodigieux de Silver Raven, No Other et Strengh of strings. Même sans vénérer les arrangements puissants et les couches de guitares abondantes, la succession de ces titres sidère par son évidence funeste, une espèce d’annonce des drames à venir, qui feront écrire par les quelques proches qui lui restait au moment de son trépas, sur sa tombe, cet épitaphe imparable: Harold Eugene Clark - No Other