Dire que la réception de cet opus est tiède est un euphémisme. Je ne prévoyais pas de verbaliser une critique mais face au flux d’avis négatifs, il me parait important de faire entendre ma voix d’auditeur satisfait. Les réactions ressemblent d’ailleurs étrangement à celles qui ont fusé lors des sorties de Minutes to Midnight et A Thousand Suns, qui sont de loin les meilleurs albums du groupe. Allé hop, on commence donc sur un point positif !
La genèse de l’album explique le changement de style musical et un virage très serré vers la pop. Sur les albums précédents, Mike Shinoda (harmonie, synthé et guitare) et Brad Delson (guitare) avaient pour habitude de composer en premier lieu la partie instrumentale avec synthé, guitare et percussions électroniques. La basse, la batterie et surtout le chant ne venaient qu’en toute fin de production, s’adaptant au squelette de départ. Pour cet album, Mike a souhaité changer d’approche en composant le chant en premier, accompagné de guitare acoustique et d’un piano. Le titre One More Light a d'ailleurs plus ou moins gardé sa forme d'origine. La production instrumentale n’est arrivée qu’en fin de processus pour les autres titres. Pour changer aussi drastiquement d’approche, le groupe s’est entouré de songwriters reconnus sur la scène pop (on y arrive) et différents sur chaque chanson. Les mélodies qui en résultent s’en ressentent fortement : c’est accessible et ça rentre vite dans la tête. Je comprends qu’on puisse trouver ça niais, les chansons sont inégales mais globalement je trouve ces mélodies plutôt réussies et efficaces. L'instru parait alors en rentrait car elle a surtout pour rôle de supporter le chant et la mélodie.
Le changement de style est d’autant plus abrupt si on le compare à The Hunting Party, l’album précédent aux sonorités punk-rock. En dehors du style musical qui ne m’attire plus, ce dernier faisait apparaitre pour la première fois des limites d’écriture au niveau du chant : le tout était répétitif, forcé et les refrains en particulier gâchaient des chansons qui avaient pourtant du potentiel. La remise en question du groupe dans le processus de création m’a donc rendu plutôt optimiste sur la qualité de One More Light, malgré la médiocrité du premier single « Heavy » calibré pour les radios grand public. C’est d’ailleurs ce morceau qui a amorcé le torrent de réactions négatives qui s’est poursuivi jusqu’à la sortie de l’album trois mois après.
Et c’est bien dommage, car si le reste de l’album reste très pop, sa qualité est bien supérieure à ce que laissait entrevoir le single. Le chant est parfaitement maitrisé. Vocalement, c’est de loin le meilleur album du groupe si on n’est pas allergique à la pop. Si la partie instrumentale parait diluée, elle est pourtant chirurgicale. Il ne faut pas se laisser berner par la première écoute, les chansons sont remplies de guitare, de batterie et de basse mais chaque instrument est introduit subtilement, progressivement et s’intègre parfaitement avec les couches électroniques. Chaque écoute laisse apparaitre de nouvelles sonorités. D’ailleurs un casque de bonne qualité est recommandé pour profiter de l’ensemble du spectre de chaque chanson. Cette richesse est le signe d’un album qui résistera certainement bien à l’épreuve du temps, contrairement au dernier opus du groupe à la production moins léchée. Un petit bémol tout de même pour l’abus de sons basés sur des samples de voix déformées qui ne marchent pas sur toutes les chansons (coucou Good Goodbye).
Au niveau de la qualité de l’écriture et des thèmes abordés, l’album est réussi. Les paroles restent assez simples mais elles fonctionnent et les émotions passent bien, les refrains répondent bien aux couplets. On sent également la sincérité dans ces thèmes, abreuvés par le vécu de Mike et Chester.
Deux thèmes émergent :
- la relation parents-enfants et la jeunesse via Invisible, Sorry For Now et Sharp Edges.
- la dépression que Chester a traversé en 2015 avec des titres comme Nobody Can Save Me, Talking to Myself, Battle Symphony et Heavy.
A côté de ces thèmes citons Good Goodbye, peut-être la chanson la plus proche de ce qu’on pourrait attendre de Linkin Park avec couplés rappés et refrain pur Chester, mais au final il s’agit du titre le plus superficiel qui n’a pas sa place dans l’album.
Une parenthèse de fanboy concernant les deux titres chantés par Mike : Invisible et Sorry For Now. Même s’il n’est pas un chanteur pur, j’ai toujours adoré sa voix, je la trouve réconfortante et il sait faire passer les émotions, sans que j'arrive à définir pourquoi. Invisible en particulier est une chanson lumineuse durant laquelle il laisse entrevoir tout son talent, toujours bien accompagné par une instru au poil.
Autre point culminant de l’album, le bondissant Talking to Myself est un hymne à la fois pop-rock et dansant calibré pour le live et qui reste très efficace dans sa version studio. Sharp Edges est également un moment fort qui vient clôturer l’album, avec sa guitare folk et le chant d'un Chester méconnaissable.
Un album pop donc, qui s’égare parfois mais reste très efficace et intéressant pour qui suit la progression du groupe. On regrettera une durée globale un peu courte et une structure de chanson peut-être trop répétitive, heureusement compensées par une production parfaitement maitrisée.
Mise à jour le 21 juillet 2017 et changement du titre de la critique.
Quelle tristesse d'apprendre la mort de Chester. Cet album restera donc comme son dernier message, qui prend l'allure d'un abandon sur certains titres.
Extraits du titre Nobody Can Save Me :
"You tell me it’s alright
Tell me I’m forgiven, Tonight
But nobody can save me now
I’m holding up a light
Chasing up the darkness inside
'Cause nobody can save me"
"I chose a false solution
But nobody proved me wrong
At first hallucination
I wanna fall wide awake
Watch the ground giving way now"
"Been searching somewhere out there
For what’s been missing right here"
Salut Chester, tu fais chier putain, mais merci pour tout.