Mais qu’est-ce que Chino Moreno est allé faire dans cette galère ? En écoutant Palms, il n’y a pas une minute où l’on croit à cette association entre les agitations vocales de Moreno et ces mornes plaines musicales dévoilées par les musiciens d’Isis. Palms est un « supergroupe » de plus, qui prouve, après tant d’autres expériences similaires (Them Crooked Vultures, Audioslave, Mad Season, Zwan, Atoms for Peace…), que l’alchimie entre des univers musicaux n’est pas égale à la somme des talents réunis.
D’emblée, on peut affirmer que le chanteur de Deftones n’avait de toute façon pas grand-chose à gagner en offrant ses compétences au groupe de post-metal Isis. Car si ces derniers abritent assez volontiers leurs auditeurs dans un cocon ambient (ici désespérément insipide), ils savent aussi manier l’électricité, cédant fréquemment aux déflagrations sonores, pour le coup beaucoup plus familières à Chino Moreno. En fait, Palms fait immédiatement penser à Audioslave, autre supergroupe métal et autre ratage des années 2000, dans lequel on retrouvait la voix puissante, entre crooner et hurleur, de Chris Cornell (Soundgarden), au service des musiciens de Rage Against The Machine. Ces alliages semblent forcés, contre nature. Il eût été plus cohérent d’entendre Moreno dans un projet folk, ou, de manière générale, opposé à ce qu’il a l’habitude de faire, qu’il nous montre de quoi il est capable lorsqu’il s’adoucit par exemple, plutôt que de se compromettre dans un projet à mi-chemin, ni trop proche, ni trop éloigné de ce qu’il fait avec Deftones. Cornell avait réussi cela (en subissant pourtant l’opprobre critique et publique) en se transformant courageusement en chanteur de r’n b avec Scream.
La responsabilité de Moreno n’est donc pas à négliger dans ce projet. Après tout, il l’a accepté, et même si on peut, sans hésiter, lui attribuer le mérite des rares moments d’intensité de Palms, on peut clairement lui reprocher d’avoir cédé à une certaine facilité dans son choix artistique, d’avoir fait un pari sans risques. Mais de manière évidente, c’est surtout aux musiciens de Palms qu’il faut imputer la majeure partie de l’échec de ce disque. On a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises sur BUB, via les derniers essais de Explosions In The Sky ou de ILikeTrains, le post-rock (ou le post-metal, ce qui est à peu près la même chose) peut être le siège d’une véritable supercherie lorsqu’il est pris à la lettre (calme versus bruit). Ce que font les musiciens d’Isis. En ce sens, Palms pourrait être un manuel de ce qu’il ne faudrait pas faire (ou de ce qui a été trop fait) en post-rock : des montagnes russes prévisibles entre accalmies et distorsions, des mélodies désarmantes de facilité, téléphonées. De la musique comme ça, on a l’impression que le combo pourrait en produire au kilomètre. Et rien dans leur son, finalement plutôt consensuel, ne laisse transpirer un désir de changer d’univers.
Plus grave : de cette prétendue association, il est parfaitement impossible de distinguer une fusion. Palms, c’est l’huile et l’eau. Chacun reste dans son camp et n’en bouge surtout pas. A se demander quelles idées ont été échangées, si Moreno n’a pas posé sa voix sur un disque qu’Isis n’a jamais sorti (le groupe est dissout). Il n’y a pas de remise en question artistique dans Palms, pas de recherche apparente, juste l’éventualité d’un projet « pour le fun », artificiel et bouclé facile.