Un projet que je n'attendais pas particulièrement cette année, mais qui a fini par me surprendre jusqu'au bout (d'où le titre de ma critique), je dois dire que je me suis pris une sacrée gifle, d'une part parce qu'on retrouve un Freddie Gibbs en pleine forme après un ESGN plutôt moyen et, comme d'habitude, un Madlib toujours aussi époustouflant aux platines avec ses fameux beats psychédéliques et ses samples extrêmement bien choisit et exploités, la fusion entre les deux artistes est tout simplement magique. Madlib m'avait déjà agréablement surpris avec le désormais classique Madvillainy, encore une collaboration pour lui, encore un retour gagnant, une fois de plus...
On constate d'entrée de jeu que l'album possède un bon nombre d'invités, et de bons invités ! Raekwon, Ab-Soul, Danny Brown, Domo Genesis, Earl Sweatshirt, Mac Miller, Casey Veggies, BJ The Chicago Kid, Big Time Watts, Sulaiman, Meechy Darko, Polyster the Saint et, le meilleur pour la fin, Scarface. Que dire ? La liste est longue mais on a ici des choix très audacieux, la plupart des guests sont sur l'éponyme "Piñata", un son très nonchalant, quoi de mieux pour représenter l'album avec une belle brochette de kickeurs ?
En tant que MC, ce que je trouve assez frappant chez Freddie Gibbs, c'est son timbre de voix assez rauque ainsi que son delivery qui n'est pas sans me rappeler celui d'un certain Tupac Shakur au niveau des intonations, Gibbs possède un flow teinté d'agressivité qui donne un certain charme une fois posé sur les productions de Madlib complètement encrée dans la musique soul et jazz.
Mention spéciale pour le sublime "Shame" avec BJ The Chicago Real, mais aussi "Real", un acronyme de "Remember Everybody Ain't Loyal" qui n'est rien de plus qu'un diss track envers son ancien mentor Young Jeezy, on sent directement qu'étant actuellement indépendant, le rappeur exprime une certaine haine envers l'industrie. Outre ces titres, je retiens aussi et surtout l'émouvant "Broken" avec un Scarface toujours aussi efficace et décidément au taquet au niveau des featuring cette année, voilà ici mon coup de cœur de l'album, il n'y a pas grand chose à redire mis à part que ce morceau est d'une qualité rare et d'une grande profondeur, loin du côté gangsta que Gibbs a l'habitude de dévoiler, on se laisse tranquillement bercer par le beat de Madlib avec ce superbe sample du classique incontournable d'Isaac Hayes "Wherever You Are " où le rappeur rappe à cœur ouvert, racontant notamment ses tensions avec son père policier. Je retiens également "High" accompagné de Danny Brown avec un sample de B.I.G. ("Sky's the Limit") et un couplet tout aussi explosif qu'impressionnant de Danny Brown, à l'image de Scarface, le rappeur reste toujours aussi indispensable en featuring ("1 Train"). Mention spéciale aussi à l'hymne dédié à Los Angeles intitulé "Lakers" qui contient une ambiance particulière que j'apprécie particulièrement, le style est laid back et un refrain très entraiant ("My home, my home L.A. I ride for you") de Polyester the Saint accompagne les couplets nostalgiques Freddie Gibbs et Ab-Soul ("I'm on my way to LAX from JFK, it's a great day / I mean I love New York, but of course / I live out there so don't go there, you heard it before / Ironic my uncle had the king of music on Crenshaw / Cause now I'm the king to music to all y'all / California love, California dreaming / I've seen lost angels, I even found demons").
Bien sûr on retrouve sur cet album l'omniprésence des thèmes récurrents, que ça soit la drogue, le crime, l'argent qui font la marque de fabrique de celui qui se fait appelé Baby Face Killa (en référence à Baby Face Nelson, célèbre gangster des années 30), le morceau "Bomb" met davantage en lumière cet univers avec bien sûr l'un des pionnier du rap mafioso Raekwon. À travers ces thèmes récurrents, la routine est aussi un thème évoqué dans "Knicks", morceau qui met en avant le temps qui passe et le fait de se retrouver souvent dans des situations similaires, créant un certain contraste : "Chilling with a bitch / Watching LeBron put a 56 on the Knicks / In 2005, police killed my nigga in 2006" (Gibbs fait référence à son ami Kinnel Magee, tué à coup de matraque par un policier).
Freddy Gibbs se prête aussi au storytelling dans "Deeper" où le rappeur évoque un de ses chagrins d'amour, il nous raconte qu'une femme l'aimait pour son allure et son côté Gangsta mais l'a finalement quitté pour un autre homme, un homme beaucoup plus droit, pour ensuite avoir un enfant avec cet homme et prendre en main sa vie de mère de famille : "I hope you feel the pain I'm feelin when you hear this song / Don't want a nigga that's gonna slang shit up in your home.", "I loved her and she loved him, so I never touched him / She's got his baby in the oven, so it's mother fuck him." Ainsi, loin des tirades faisant l'apologie du gangstérisme, Gibbs a aussi un fond. On note aussi que "Deeper" contient sûrement la meilleure productions de l'album, Madlib a repoussé les limites sur ce morceau. Ainsi, on distingue un aspect "soulful" sur cet album grâce à ce titre, et "Robes" qui sample "Sweet Dreamer" de Lenny White, révèle davantage cet aspect, le morceau est impeccable, les deux invités Domo Genesis et Earl Sweatshirt du crew Odd Future ne nous laisse pas de marbre avec leur couplets venus d'ailleurs.
Pour conclure simplement, Piñata est à mon sens un véritable petit bijou avec des productions efficaces, frôlant la perfection dirais-je tellement elle m'ont fait tripper, voilà l'un des meilleurs projets (si ce n'est le meilleur) en cette année 2014 pour l'instant, un superbe retour aux sources.
Lyrics : 4/5
Beats 5/5
Flow : 4/5
Thèmes : 4/5
Construction : 4/5
Homogénéité : 4,5/5
1. Supplier - ★★★★☆
2. Scarface - ★★★★☆
3. Deeper - ★★★★★
4. High - ★★★★★
5. Harold's - ★★★★★
6. Bomb - ★★★★★
7. Shitsville - ★★★☆☆
8. Thuggin - ★★★★☆
9. Real - ★★★★★
10. Uno - ★★★★★
11. Robes - ★★★★★
12. Broken - ★★★★★
13. Lakers - ★★★★★
14. Knicks - ★★★★★
15. Shame - ★★★★★
16. Watts - ★★★★☆
17. Piñata - ★★★★☆