Pop, l'album qui fait encore débat chez les fans et au sein même du groupe. Bono allant même jusqu'à le qualifier de maquette studio. Sans aller aussi loin, il faut reconnaitre que le dernier album expérimental de la décennie 90 des irlandais a un goût d'inachevé, un manque d'homogénéité, et d'avoir peut-être, en partie, tapé à côté de la plaque.
Pour le comprendre, il faut savoir que le U2 de l'après Zooropa s'est mis en quête de nouvelles connaissances et de sons. Que ce soit dans les boîtes de nuits de la côte d'azur pour Bono, lui faisant découvrir les Chemical Borthers et autres Underworld, Oasis pour Edge qui ne les quittait plus, le jazz new-yorkais pour Adam, et de nouvelles techniques pour le batteur Larry. Tout cela s'est vu réunis pour un court instant dans un projet nombriliste, Passengers, ennuyant mais qui a permis au groupe l'exploration comme jamais. Ainsi avec une nouvelle expérience acquise, U2 se met à la composition d'un album qui se veut electro pour la fin 1996. Album finalement repoussé à son extrême limite, début 1997 par défaut de début tournée gigantesque, les dépassant complètement. Bref, le charriot était mis avant les bœufs, empêchant le groupe de peaufiner l'album.
Pourtant il commence de main de maître avec une trilogie de titres qui vous met directement à terre. En quelques secondes à peines, nous voilà entouré du sonique Discotheque. Premier single qui remplira parfaitement son rôle en tapant la tête des charts un peu partout dans le monde. Il est soutenu par une vidéo culte où U2 se foutent d'eux-mêmes. Do You Feel Loved poursuit aussi bien, mais aurait pu être encore meilleur. C'est surtout Mofo qui joue à fond le jeu. Le I Will Follow des 90s. Un Mother Fucker à prendre à contre-pied où Bono pleure sa mère entre deux murs sonores électroniques aussi lourd qu'une tronçonneuse. Le titre est juste dantesque !
Après... ben la folie des 90s pour U2 s'arrête là ! Si Achtung Baby lançait parfaitement la soirée, si Zooropa nous faisait danser sur le dancefloor, et si les trois premiers titres de POP sont l'apogée de la nuit, où la vodka coule à flot sans plus trop savoir où l'on est, If God Will Send His Angels est le début de la gueule de bois. On se rend compte qu'il fait presque jour et qu'il n'y a plus personne sur la piste, plus que quelques bourrés endormis sur une chaise et toi, tu tentes de rentrer tant bien que mal chez toi alors qu'il caille dehors. Une violente gueule de bois qui va durer plus de 10 ans pour le groupe et ca commence déjà maintenant ! En effet, la quatrième piste de l'album se voit tout simplement ennuyante, U2 devient carrément mauvais sur Staring At The Sun. Le Stuck In A Moment avant l'heure. Rhaaa cette affreuse guitare en slide en arrière plan, quelle horreur. Limite plus écoutable en acoustique, ce que le groupe comprendra bien vite. Cette fabuleuse folie électronique retombe donc déjà à plat après moins de 15 minutes. Triste, surtout quand on sait qu'on ne la retrouvera pas. Ce qui ne veut pas dire que le reste de l'album est à jeter, très loin de là. Last Night On Earth semble être une volonté d'en faire un Until The End Of The World mais se révèlera bien plus pop et surtout gâché par la voix d'un Bono ayant trop fumé, caché sous une quantité d'échos en tous genres et sauvé par un The Edge à la rescousse.
Il faut attendre Gone pour que la sauce reprenne. Le titre ultime du groupe mais surtout de Bono qui arrive au firmament de son art. Ses paroles n'ont jamais été aussi belles. Miami poursuit, peut-être le titre le plus sous-exploité de l'album, il aurait pu devenir une masterpiece, le Bullet The Blue Sky des 90s qu'ils cherchent depuis si longtemps (souvenez-vous de Dirty Day). Il se révèlera au final rapidement abandonné par le groupe. Dommage. Place ensuite au lounge et au jazzy lorsque le groupe replonge dans l'oubliable, avec The Playboy Mansion qui vieillit extrêmement mal et tombe à plat, et If You Wear That Velevet Dress qui est plutôt une bonne piste mais reste dans un genre tombant comme un cheveu dans la soupe d'un album qui ne lui ressemble pas.
Please est l'autre grosse affaire de l'album. Croisement entre l'ambiance d'un Bad et les idéologies d'un Sunday Bloody Sunday. Il aurait pu devenir leur plus grand titre des années 90, il en restera pas moins un excellent morceau, et encore plus sur une version mieux finalisée sur le single et en concert ! Wake Up Dead Man est un autre très bon morceau mais qui n'a pas l'envergure pour conclure cet LP. Ironiquement, le début et la fin de cet album est à l'image de son histoire, commencé comme un disque de fête, terminé dans la noirceur et le doute.
Ne vous méprenez pas, je mets en exergue les défauts, car j'estime que c'est inadmissible pour un groupe au sommet de son art. Mais globalement j'aime ce disque, j'applique d'ailleurs les mêmes commentaires qu'à Zooropa, c'est-à-dire qu'un disque osé aura plus mon respect qu'une machine à tubes classique. Mais voilà là où Zooropa fonce dans le trip avec le filet Achtung Baby pour les retenir, ici par peur de se manger le sol, U2 ne tente qu'en partie le pari de l'electro. On se retrouve donc sur les bras avec quelques titres pop médiocres qui auraient mieux fait de figurer sur le (mauvais) prochain album. Le groupe a eu le cul entre deux chaises, a manqué de temps, a trop hésité, l'empêchant de devenir l'aboutissement de la période la plus inspirée du groupe qu'ils auraient tant mérité...