La noirceur, le disque difficile, éprouvant. Celui dont on ne ressort pas indemne. En France, on est assez fort pour tout ça. Nulle part ailleurs on aime autant Pornography (s'il y a bien quelque chose d'éprouvant c'est ce titre...). Le chef d'œuvre de la cold wave. La « cold wave » ? Surtout un fantasme de français. Ailleurs ça existe à peine, mais ici on y tient beaucoup. Il y aurait ce moment précis, un peu oublié, un peu perdu, comme un endroit tout noir où on ne croiserait pas grand monde... Douloureux et étrangement réconfortant, on s'y précipiterait certains soirs de solitude pour y retrouver sa peine.
Mais c'est bien autre chose qu'un univers morne à l'horizon plombée. Point d'horreur, point de blasphème : rien qu'une plainte appuyée et des tristesses, qui tendent leurs bras réconfortants. On se berce de ces progressions en accords mineurs. On se gorge de réverbération bon marché, s'affale sur la basse lourde, tête renversée. Et notre monde ainsi arrangé, tout est là. Cet album, on le voudrait miroir, et s'y regarder longuement. Le décrire éventuellement, comme sur ce site, en quelques paragraphes, ou plus exhaustivement ; quoiqu'il en soit, il s'agira toujours d'essayer d'en approcher la grandiloquence, à défaut de la décrire ; ça ne sera pas facile, mais certains y parviendront.
Le disque se termine par une bonne remarque (« I must fight this sickness, find a cure »), dont ne doutera pas de la sincérité, mais enfin, à le voir se représenter autant, on doute qu'il puisse vraiment vouloir quoi que ce soit. Finalement, la musique est ici réduite à une forme de complaisance où s'agite laborieusement passions adolescentes (avec ou sans champis lors de l'enregistrement) et regrets d'adultes. Une ou deux chansons un peu mieux charpentées n'y changent pas grand chose. De toute façon la suite est limpide. Avec Pornography, on peut être sûr que les meilleures années de Robert Smith sont définitivement terminées. Ça n'aura pas duré longtemps : mais c'est souvent comme ça.