C'est difficile de parler d'un album que l'on écoute religieusement depuis près de trente ans sans user de superlatifs pompeux, aussi, je ne vais pas essayer de les éviter.
Ce n'est plus trop le cas de nos jours, mais à mon époque, l'on appréhendait un album de par sa pochette et celle de "Powerslave" est un monument de graphisme, qui donne une majesté supplémentaire au disque, ce qui n'est pas négligeable; quel travail de Derek Riggs, un soucis du détail qui s'apprécie avec la pochette du microsillon en main, une merveille.
Passons à la musique, le disque est un modèle d'équilibre et d'hétérogénéité, il s'ouvre comme souvent avec un morceau punchy, qui sera un hymne sur scène, le très entrainant "Aces high", écrit par Harris (comme la moitié du disque), il est donc un modèle de cavalcade, on tape inévitablement du pied, on apprécie l'agressivité de Dickinson, c'est rapide, efficacement composé et immédiatement assimilé, impeccable entrée en matière.
"2 minutes to midnight" déboule ensuite, ses relents inquiétants et son refrain imparable en font une perle, accompagnée par une section rythmique de folie où Nicko McBrain démontre toute la qualité de sa frappe donnant une ossature ultra solide pour les autres musiciens tous remarquables.
"Losfer words" n'est pas une instrumentale de folie, mais elle fait le job, avec ses nappes de guitares très élégantes, c'est une respiration très agréable et fort bien écrite.
L'entêtante "Flash of the blades" n'est quant à elle pas extraordinaire, mais elle bénéficie de leads ultra efficaces, avec sa partie centrale assez aérienne.
"The duellists", est un écrin pour les indéniables qualités vocales de Dickinson, mais aussi pour les fantastiques "petites mains" de la paire Murray-Smith qui nous gratifie d'un pont centrale absolument magistral, tout en grâce et harmonie, superbe.
"Back in the village" est peut-être la moins bonne chanson du disque, elle possède un riff sympa, mais le refrain pas top et les harmonies moyennes en font un morceau passable.
Le title track est déjà une trouvaille sonore de génie, ce riff incroyable qui nous envoie tout droit en Egypte, l'incroyable chant de Dickinson qui habite le morceau avec une force démentielle, on est immédiatement conquis, arrive ensuite le break tout en arpège qui est à pleurer, c'est d'une beauté sans faille, puis les solos successifs des deux guitaristes avant que le riff principal ne revienne nous achever, masterpiece immédiate.
Le disque se conclut avec le plus long morceau du groupe, "Rime of the ancient mariner" est une épopée de près de 14 minutes, composé bien évidemment par Harris, inspiré d'un poème anglais du XVIIIème siècle. Le titre nous emmène dans un voyage fantastique et dramatique en mer, où une malédiction va s'abattre sur les infortunés marins coincés dans la glace.
Il s'agit d'un morceau d'une amplitude et d'une ambition folle, tout est ici question d'ambiance, et là, on est carrément plongé en plein cauchemar, Dickinson, en véritable conteur moderne, nous happe littéralement par la seule force de sa voix dans cette histoire, notamment par le biais de ce break incroyable de tension, où seulement accompagné de sourds arpèges et du craquement du bois de la coque du bateau, il nous conte avec solennité toute l'épouvante de la situation, avant que son cri ne déchire le calme environnant, annonçant l'explosion musicale qui se déchaine ensuite dans un splendide maelstrom de guitares-basse-batterie, pour revenir enfin au riff principal afin de conclure l'histoire et l'album par la même occasion, laissant l'auditeur ébahi, groggy et conquis.
"Powerslave" est un disque essentiel dans la disco de la vierge de fer, un incontournable du métal prog naissant, témoin d'un époque où le groupe était intouchable, au sommet de la pyramide.