« Le Raw Power est ce qui vous arrive quand vous restez quelque mois sans rapports sexuels » (selon Marc Zermati), d'où la voix d'Iggy sur ce disque, terriblement sexuée, androgyne, et comme affamée.
Le notoire, scabreux, et remarquable Raw Power est l'album que j’écoute tout le temps en ce moment. Dès le départ, ça démarre en fanfare punk pro-pogo, et les Stooges lancent le punk-rock avec quelques années d’avance. Que serait le riff d’intro de « God Save The Queen » de qui vous savez sans « Search & Destroy »?
Donc, ça commence par ce truc incroyable : « Search & Destroy », enregistré en une prise de voix : Iggy et ses musiciens envoient du pâté avec un riff à la fois punk, metal, et une rythmique de frangins implacable. La maison de production Columbia et le management Mainman étant (logiquement) dans une approche un peu plus commerciale, ils imposèrent deux « ballades », pour peu qu’on puisse les catégoriser dans ce statut rédhibitoire, qui furent « Gimme Danger » (la réponse d’Iggy à « Gimme Shelter » des Rolling Stones) et « I Need Somebody », morceau au riff métal lent, lourd et pesant, accompagné de bienveillantes arpèges de guitare folk, qui évoque par son tempo la démarche d'un tyrannosaure.
Sur tous les morceaux, la voix d'Iggy est mémorable, comme habitée. Iggy disait à propos de cet album : " (...) j'ai pris l'habitude de boire un peu de Vermouth pour maintenir ma voix bien haute. Trois clopes, un verre de Vermouth, étonnant ce que ça fait à la voix".
Le nouveau guitariste métallo James Williamson, au style inimitable, rétrograde Ron Asheton à la basse, ce qui n’empêcha pas ce dernier de faire des étincelles en imposant des lignes de basses lourdes et graves parfaitement en phase avec le jeu de batterie de son frangin Scott. Sur « Your Pretty Face Is Going To Hell », Williamson déverse des notes à la pelle, se lâche complètement avec un déluge de solos bluesy et déstructurés, annonçant aussi la couleur de nombreux albums blues/heavy/hard typique des années 70.
Sur « Penetration », au titre à peine suggestif, Iggy invente le chant reptilien, et justifie son surnom d’iguane. Tout dans ce morceau (pour ne pas dire « dans l’album ») respire le sexe. Le riff d’intro est un peu trop académique mais ce qui suit est parfait : les solos inspirés, crades et torrides de Williamson sont parfaitement en phase avec la voix possédée d’Iggy, vampirique, comme sortie d’outre-tombe. Et le chant annonce en quelque sorte le style très « psycho » des Cramps, avec encore quelques années d’avance.
Bref, un album en avance sur son temps, tout bonnement génial et inoubliable.