King Mathers

Relapse est un cas particulier dans la discographie d’Eminem. Il faut se souvenir qu’il a été un album très attendu, comme un bébé annoncé qui réunira toute la grande famille des fans le jour de l’accouchement, changant d'ailleurs régulièrement de nom (avant d’être Relapse il fut King Mathers). Ce qui viendra après lui avec Recovery, sera une nouvelle ère, celle d’un nouveau public, plus jeune, souvent plus féminin, lié à la pop, au RnB et donc Eminem changera. Mais à l’heure de Relapse ce n’est pas ça. Nous sommes en 2009, voilà 5 ans que les fans comme moi attendent le retour de Slim Shady. Au fil des médias on a appris la mort de Proof, puis on a su qu’Eminem s’était reclus chez lui. En 2006 il sort the Re-up avec toute son équipe et on le réentendra enfin sur le titre Smack That de Akon sur lequel il lâchera un mini couplet, mais c’est tout. Une mixtape et un couplet. Quasiment rien de nouveau à se mettre sous la dent. Et ça pendant 5 ans. A tel point que rien n’annonçait un retour. Personnellement je n’y croyais plus.

Quand l’album sort, je suis comme un fou. Des premiers morceaux sont leakés, ils tournent sur les forums, sont partagés, commentés, traduits, analysés, écoutés, réécoutés en boucle jusqu’à que l’album sorte définitivement et que l’avis tombe. La première réaction à l’écoute complète est une sorte de déception. Normal quoi, quand on a tant espéré et qu’on a réécouté les premiers albums en attendant celui-ci. Là les prods sont moins efficaces, moins évidentes. L’habitude voulait qu’Eminem frappe fort à chaque morceau. Ici il est inégal, offrant des morceaux très bons et d’autres passables, pas dégueus mais passables. Hello, Medecine Ball, Must Be the Ganja. Pour être franc je dirais même qu’au début certains titres comme 3.am, Insane, Bagpipes from Baghdad ou Underground me déplaisaient. J’étais difficile, la faute au rappeur qui m’avait habitué à l’être.

Mais au fil du temps le recul fait son œuvre. Il aura fallu Recovery pour me rendre compte de la qualité de Relapse. Un concept intéressant, celui d’un rap horrorcore posé sur des instrus très bonnes, là où ça pêche parfois c’est bien sur le flow du rappeur qui semble moins mélodieux que celui d’antan. En gros on ne s’éclate pas sur tous les titres, on écoute parfois ça d’une seule oreille mais dans l’ensemble c’est un objet appréciable. Une galette qui tournera souvent dans ma HiFi et qui remontera dans mon top jusqu’à atteindre cette note de 08/10.

On pourra entendre dans Relapse un manque de risque, une frilosité certaine de la part du rappeur qui reprend sa voix nasillarde et ses thèmes récurrents (sans plus de surprises). On aura tout à fait le droit de laisser de côté le délire psychopathe, mais il faut reconnaître tout de même que c’est un album qui tient debout. Un album correct, moins rentre dedans que les précédents mais plus stable qu'Encore et bien meilleur que Recovery, qui lui comportera trop de morceaux clairement mauvais. Relapse pour moi c’est LE retour d’Eminem, un album pour les fans et pas pour le grand public. Ce qui sera paradoxal vis-à-vis de cette énorme attente c’est que l’album sera un flop financier (par rapport à ses autres disques, entendons-nous bien). Seulement 4 millions d’exemplaires vendus, ce qui en fera l’album d’Eminem le moins visible de sa discographie. Recovery lui fera de l’ombre médiatiquement, le détruira d’une certaine façon, Eminem lui-même reniera cette « Rechute ».

Mais voilà. Réécoutez-le. Ce n’est pas son meilleur album certes mais il ne mérite pas la poussière qui l’ensevelie. On a sûrement eu trop l’habitude d’entendre des tueries de la part de Shady. Voilà pourquoi un album simple de sa part sonnera pour nous comme une déception quand bien même il sera appréciable.