Coil est fondé en 1982 par John Balance et Peter Christopherson, deux ex-membres de Psychic TV, formation elle-même issue du célèbre Throbbing Gristle, instigateur de la musique dite industrielle. Si le groupe fraîchement créé se situe bien dans la lignée des précurseurs, il s'éloigne quelque peu de la musique industrielle dès son premier EP, « How to destroy angels », aux sonorités épurées.
C'est cependant avec leur premier album « Scatology », en 1984, que les deux compères confèrent une véritable identité à leur musique. Mais une identité avant tout extrêmement labile à définir : les influences de Coil sont en effet multiples et disparates, en particulier sur ce disque. Les drogues, le paganisme ou encore le surréalisme viennent tour à tour inspirer les différentes pistes de l'album qui se recoupent cependant toutes par leurs dimensions expérimentales et sensitives – en effet, loin d'être purement intellectuelle, la musique du duo sollicite particulièrement les sens et l'imaginaire.
Le morceau introductif, « Ubu noir », fait de divers samples distordus, instaure immédiatement la moiteur à laquelle peu de morceaux échapperont ; vient ensuite le tétanisant « Panic », titre à la rythmique mécanique et brutale, sur laquelle viennent se greffer toutes sortes de sons distordus et la voix unique de Balance, rauque, agressive et pourtant envoûtante. La piste suivante, « At the heart of it all », constitue la seule bouffée d'oxygène de l'album. Constituée principalement de vents, elle accorde une importance particulière au silence et au vide, procurant ainsi à l'auditeur apaisement et vertige existentiel. La sérénité reste toutefois de courte durée, laissant rapidement place au cauchemardesque « Tenderness of wolves », où résonances métalliques et pleurs d'enfants rythment la voix menaçante et suffocante de Gavin Friday, leader des Virgin Prunes. « The Spoiler », morceau schizophrène aux sonorités tribales, apparaît comme une impressionnante transe païenne. Le bref et expérimental « Clap » clôt alors la première partie de l'album.
La face B s'ouvre sur « Solar lodge », qui constitue sans doute le chef-d'œuvre de l'album. Soutenu par les rythmes implacables de Christopherson, Balance scande, halluciné, des mots semblant relever d'un sacré éminemment occulte (« See the black sun rise/From the solar lodge …), mettant en évidence la force incantatoire inouïe que le groupe est capable d'atteindre. S'il n'en possède pas la puissance évocatrice, « The sewage worker's birthday party » est quant à lui bien plus insidieux, mettant volontiers en place des sonorités sales et poisseuses. « Godhead = Deathhead », morceau âpre et particulièrement sombre, mêle étrangement accélérations et ruptures de rythme. Le disque se conclut sur l'imposant « Cathedral in flames », où la voix déformée et solennelle de Balance chante un texte d'inspiration sadienne (reprenant explicitement les « Cent-vingt journées de Sodome »), où les coups d'épées viennent côtoyer les « douches dorées ».
Le premier album de Coil s'avère ainsi d'ores et déjà être un disque majeur, qui allie avec une cohérence rare expérience sensorielle et expérimentation. Par la suite, le groupe continuera à s'éloigner de la scène industrielle pour poursuivre l'élaboration d'une musique mystique et viscérale, touchant à tous les genres et enchaînant des œuvres toutes plus remarquables les unes que les autres.