The dream had to end, the wish never came true
Robert Smith a 21 ans lorsque lui et sa bande sortent en 1980 leur deuxième album, Seventeen Seconds. La plupart des fans de The Cure, ou des mélomanes en général, parlent d'une "trilogie glacée" du début des années 1980, composée de trois albums, à savoir (dans l'ordre chronologique) Seventeen Seconds, Faith et Pornography. Après un Three Imaginary Boys où la formation de Crawley se cherchait un peu, le groupe pose ici les bases solides de ce qu'on appellera plus tard la coldwave.
Au sortir d'une introduction instrumentale assez courte ("A Reflection", très spleenesque), le disque enquille sur "Play for Today", morceau plutôt Pop teinté d'une mélancolie indéniable, aussi bien au niveau de la voix que des paroles. C'est pourtant avec "Secrets" que le ton va considérablement se noircir. Le ton est donné : instrumentation minimaliste, voix geignarde et plutôt en retrait, musique sombre et répétitive - bref, on plonge dans une atmosphère froide, triste, désenchantée, et (à mon sens) un peu boisée. L'usage du piano est très important, et vraiment grisant, alors que ce sont surtout des sons typiques d'un synthétiseur qui seront utilisés sur les deux albums suivants. En revanche, on notera qu'à l'instar de Faith et Pornography, les morceaux sont toujours menés par la batterie et la basse, omniprésente.
Le meilleur morceau de l'album est sans doute "A Forest", une longue incursion de 6 minutes dans l'esprit torturé de Mr. Smith. Il s'agît d'une personne (peut-être lui, allez savoir) qui se perd dans les bois à force de courir après une fille qui murmure son nom, à travers les arbres. Mais évidemment, cette fille n'existe pas... Une réflexion sur la solitude ? Ca m'en a tout l'air. Si j'ai toujours trouvé que les pochettes du groupe n'étaient pas vraiment en adéquation avec la musique, ici je dois dire qu'on ne pouvait pas mieux représenter graphiquement la musique jouée sur ce fameux Seventeen Seconds. La pluie et les arbres, ciment essentiel du disque. Une impression de flou, comme dans notre esprit comme engourdi/envoûté par ces atmosphères sombres et aliénantes. En fait, la meilleure façon de décrire et résumer cet album n'est pas un article, c'est la pochette elle-même.
Seventeen Seconds sonne donc comme un bon présage pour nous, amateurs de musique, et comme un mauvais présage pour Robert Smith, qui au fil des deux albums suivants, deviendra de plus en plus dépressif, pour le plus grand bien de nos esgourdes masochistes. Alors certes, on est encore loin du tourbillon de noirceur de Pornography, mais le groupe a déjà bien entamé sa démarche de musique déprimante et déprimée, qu'il prolongera sur l'opus qui suit, Faith.