Muse, voila un nom qui aujourd'hui fait vibrer bien des stades et des arènes n'est-ce pas? Muse s'inscrit dans la lignée des grands groupes britanniques, cela va de soi. Oh, bien sur, ils sont incomparables aux fleurons du genre que furent les Stones, les Beatles ou Led Zeppelin, bien sur, ils n'ont pas autant d'impact historique, ils n'ont pas une fanbase à la limite de l'iconodulie. Non, bien entendu, il s'agit ici de parler de succès tant artistique que commercial, d'une réussite somme toute classique, à savoir un groupe parti de pas grand chose, qui, de par sa musique si originale, voire novatrice par moment, réussit à nous plonger dans son univers si particulier.
C'est précisément l'objectif de Showbiz, premier album studio des anglais, le tout sous le leadership officieux de Matthew Bellamy, véritable artiste contemporain, et virtuose. Ici Muse réinvente le Rock moderne à l'anglaise, submergé dans les années 90 par le courant "Britpop" dont les fers de lance sont (ou étaient pour certains) les Oasis, Blur et autres The Verve. Beaucoup moins accessible, sans toutefois plonger dans un élitisme exacerbé, la musique prôné par Muse est un subtil mélange d'agressivité et de mélancolie. En effet, et ce sera pratiquement toujours le cas dans la musique de Muse, l'atmosphère se fera tantôt froide (un peu comme la pochette de l'album, très réussie soi dit en passant) avec des mélodies au piano joué d'une main de maître par Bellamy, une basse lugubre claquée par Wolstenholme, tantôt chaude avec des parties de guitare bruyantes et saturées, accompagné d'une section rythmique infernale. C'est tout ce petit univers musical qui se retrouve dans le premier morceau de l'album, "Sunburn" véritable classique du groupe aujourd'hui lance parfaitement la galette, et contient les ingrédients qui seront désormais la marque de fabrique de Muse. Une guitare à la disto saturé, un chant à la fois planant et étouffé aidé par les effets d'une talk-box qui captent de suite l'attention. On retrouve cette atmosphère glaçante mais également prenante. Bref ce morceau est une vraie réussite, et que dire du suivant, un autre hit du groupe, "Muscle Museum" et son intro innovante à la basse et à la guitare et un son toujours si particulier. Le chant de Bellamy est effectué avec beaucoup d'envie, on sent que le groupe met tout son cœur dans cette chanson, la rythmique très carrée imposée par Howard est tout simplement jouissive et confère toute sa puissance à un morceau qui est, au départ, assez triste, basée sur une relation amoureuse compliquée. Muse ne perd pas de vue son auditoire, et, après ces deux morceaux de bravoure, ne prend finalement plus de risque, la suite de l'album étant assez homogène. Mais les parties de guitare sont tellement innovantes et puissantes que l'on ne peut décrocher l'oreille. Le groupe cherche toujours à imposer beaucoup d'agressivité dans certains passages, sans toutefois sombrer dans la cacophonie. On remarque d'ailleurs que le groupe joue beaucoup avec les effets de larsen pour conclure certaines parties, ou en introduire... Bref Muse se complaît à jouer avec le bruit.
A son époque, cet album a assez souffert au niveau critique, de la comparaison avec Radiohead, mais point de plagiat de mauvais goût ici, même si le chant peut se comparer facilement à celui de Thom Yorke. Non Muse évolue dans un univers totalement différent, et puis, quand bien même l'inspiration a pu être puisée dans la musique de Radiohead, il y a pire ressource non?
Mais revenons au plus intéressant, la musique. Le morceau titre de l'album est une autre grande composition, et marque le coup d'envoi d'un trio de chanson ("Showbiz"; "Unintended" et "Uno") qui sont parmi les plus appréciés par les fans du groupe, et ils ont bien raison! La structure de "Showbiz" est une totale réussite, un morceau cohérent ou chaque musicien se donne à 100% dans sa spécialité, "Unintended" est LA ballade de l'album, qui marque un temps de repos... de courte duré! Car "Uno" fracasse tout et remporte la palme du morceau le plus énergique de l'album. La recette sera reprise plus tard avec "Plug In Baby" sur Origin of Symmetry l'album suivant de la formation.
Si cet album est très riche musicalement, il le doit principalement aux influences très diverses de Muse. On passe d'un rock très dur et agressif, à des moments jazzy dignes d'un piano-bar ("Falling Down"), à des mélodies de far-west ("Uno")... Et toute cette petite mixture n'est jamais faite de manière hasardeuse. On pourra peut-être regretter finalement une fin d'album moins pêchue, banale par moment et une production un peu aseptisée sur certains morceaux. On ne peut toutefois blâmer le groupe pour cela, surtout lorsqu'il s'agit d'un premier album.
Showbiz est donc un premier album digne de ce nom. Une introduction idéale à la musique de Muse et son univers qui est aujourd'hui si unique. C'est ce qui fait la marque des grands groupes: s'installer dans un mouvement musical, gagner de la notoriété en étant original, novateur, mais sans repousser la popularité. L'utiliser comme une force, et non comme une honte pour s'enfermer dans un certain élitisme qui ne serait que préjudiciable quant à la réussite commerciale du groupe.
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