Difficile de considérer un album de Prince comme "à part", tant sa discographie est éclectique et a abordé tous les genres, du pur rock au RnB en passant par le jazz fusion, le blues, la soul, le funk et l'expérimental au travers de plus d'un millier de compositions. Mais Sign 'O' the Times, considéré par plusieurs observateurs comme parmi les meilleurs albums de tous les temps, est clairement un album "à part", et pourtant jamais Prince n'aura fait autant du Prince qu'ici.
Réalisé quasiment entièrement tout seul (à part quelques cuivres et quelques morceaux live), Sign 'O' the Times est sans aucun doute l'un des albums les plus aboutis musicalement de la discographie de Prince, maturé longtemps au cours de plusieurs projets abandonnés.
L'ouverture se fait sur le morceau donnant son nom à l'album. La rythmique et les sonorités sont riches et puissantes, l'alchimie musicale opère totalement dès les premières notes et ne quittera jamais l'auditeur, même après la fin de l'album. Les musiques suivantes, qui s'affranchissent régulièrement des structures conventionnelles "couplet-refrain-couplet", s'enchaînent sans fausse note et s'aventurent dans des funks ardents (Housequake) comme dans des circonvolutions mélancoliques (The Ballad of Dorothy Parker), à quoi répondent d'autres thèmes chers à Prince, la sexualité débridée (le sombre et violent It), l'amour inconditionnel (If I Was Your Girlfriend ; Forever in my Life, Adore), la joie (It's Gonna Be A Beautiful Night). Sign 'O' the Times est avant tout un album mélodique et poétique : les textes sont d'une profondeur hors du commun et d'une sensibilité inouïe. Multipliant les nuances pour affiner son propos, Prince tisse une histoire d'amour, de sexe, de sentiments exacerbés, de regrets, d'espoirs.
Sign 'O' the Times est une échappée musicale grandiose et unique en son genre, d'une complexité et d'une richesse le rendant peut-être initialement difficile d'accès. La bande-son d'une vie. Hors du temps.