[Lire la critique sur Le Scopitone]
On peut reprocher pas mal de choses à Shy’m, mais sûrement pas son manque d’ambition. Après avoir sorti quelques albums de bonne facture, la voilà qui se sent à l’étroit dans le r’nb francophone qui l’a fait connaître. Elle se rêve désormais star à l’américaine, avec tous les accessoires que cela implique : stratégie marketing fondée sur le buzz (the bigger, the better), surlook et virage musical vers la pop vocodée. Des chansons qui racolent les radios de la part d’une chanteuse qui racole les médias. CQFD
La mue opérée avec le bien nommé CAMELEON s’accélère avec SOLITAIRE, qui gagne en originalité ce qu’il perd en cohérence. Car il y a à boire et à manger sur ce nouvel album et malgré quelques agréables gourmandises, le tout est d’un goût plutôt douteux.
Parmi les bons points, il convient de souligner la production inattendue de certains titres (« Silhouettes », petit bonbon 80s qu’on imaginait plutôt chez Alizée) ou la mise en valeur de la voix (plus nuancée qu’à l’ordinaire, notamment sur « On s’en va » et « Cap Town de Toi »). Mais cet album est avant tout celui des expérimentations, ratées pour la plupart. Sur « Save my way », Shy’m s’essaie à la musique d’attente de téléphone rose : un titre trop long, à la production datée et d’une rare prétention. « J’te déteste » et ses couplets parlés est plombée par ses refrains subtils comme des tubes de DJs suédois. L’objet musical non-identifié par excellence reste cependant « Les chaussures en plastique » dont le titre annonce bien la couleur. S’imaginant interprète, Shy’m rigole, susurre, minaude, joue à la diva et à la petite fille… Impossible de dire si ce titre brille par son audace ou atteint des profondeurs inexplorées de nullité. Reste qu’il a le mérite d’intriguer et d’interpeller, ce qui n’est pas le cas de la grande majorité des pistes.
Ainsi, ces dérapages sur la forme dérangent moins que les paroles, d’une incroyable ironie. Frottez-vous les oreilles, vous ne rêvez pas : Mlle TF1 a la prétention d’avoir inventé l’eau tiède. « Est-ce pour cela que je suis excentrique », « Je suis cool mais pas in […] je déteste les codes », « Real bad bitch, juste un mental d’acier »… Le lead single contenait déjà le meilleur vers du disque : « Ne nous prenons surtout pas au sérieux ». C’est celui qui dit qui est.
En bref, SOLITAIRE part dans tous les sens, sans ligne directrice ni contrôle de la part d’une interprète qui gagnerait à regagner la terre ferme. « Excessivement tout, tout et parfois rien, intensément partout », chante-t-elle. Le diagnostic est bon.